TRANSPORTS ET RÉSEAUX
 
Canal de Panamá

 

Sur le continent américain, la problématique de circulation transisthmique entre façade atlantique et façade pacifique est fort ancienne. Elle tient à la configuration de l'Amérique centrale qui comporte plusieurs étroits terrestres de 100 à 200 km du Mexique au golfe de Darién. Il apparaît intéressant de revenir à grands traits sur les contextes historiques successifs qui ont permis à l'isthme de Panamá de l'emporter, à la fin du XIXe siècle, pour établir un ouvrage qui demeure une œuvre majeure du génie civil humain et un élément fondamental de la circulation maritime mondiale. Aujourd'hui ce canal de Panamá, bientôt centenaire, est à la fois saturé par le nombre de navires désireux de l'emprunter et en même temps, délaissé par une fraction croissante de la flotte mondiale dont le gabarit excède celui des écluses du canal. Depuis plus de vingt ans, se pose le problème d'améliorer le transit par divers perfectionnements mais sans modifier la taille des écluses. Après près d'un siècle de propriété exclusive des États-Unis, le canal appartient depuis l'an 2000 au Panamá, lieu de sa construction. En octobre 2006, cette jeune république a présenté à ses citoyens un projet d'élargissement du canal par la construction d'un troisième jeu d'écluses, projet qui a été approuvé par referendum à une large majorité.

Après le rappel historique de la genèse du canal, son quasi siècle d'existence sous tutelle des États-Unis, il apparaît crucial d'examiner ledit canal à la veille de ce chantier considérable et coûteux, en évoquant la concurrence des ponts terrestres ferroviaires nord-américains sans oublier l'hypothèse, à moyen et long terme, de la future route du Nord-Ouest par le grand Nord canadien.

1. La lente genèse du passage maritime transisthmique

1.1. L'importance de l'isthme durant la colonisation espagnole

L'étendue géographique de l'empire de Charles Quint faisait de l'isthme d'Amérique centrale une charnière logistique vitale pour drainer les richesses des possessions espagnoles situées en Amérique et en Asie. Celles provenant des Philippines débarquaient à Acapulco, remontaient à dos de mulets sur Mexico pour y être contrôlées par les Autorités. Elles étaient ensuite redescendues à la Vera Cruz sur la côte caraïbe. Les richesses provenant de la vice-royauté du Pérou (Potosi) débarquaient à Panamá puis franchissaient l'isthme à dos de mulets et d'esclaves jusqu'à Portobelo qui, en 1597, remplaça Nombre de Dios sur la côte caraïbe.

Très tôt, les pirates anglais, hollandais et français attaquèrent les galions espagnols dans la mer des Antilles ou à la sortie du détroit de Floride. Pour s'en protéger les Espagnols organisèrent ainsi la Flota en un système de convois protégés et fortifièrent les principaux ports caraïbes de leurs colonies. La Vera Cruz, Cartaagena, Panamá, Portobelo, La Havane, San Juan de Porto Rico, Saint-Domingue1.

L'idée d'établir un passage transisthmique par voie fluviale fut précoce ; dès 1513, Balboa émit l'idée d'utiliser les fleuves du Darién pour passer d'une côte à l'autre, mais les connaissances topographiques, géologiques et climatiques étaient sommaires, les moyens techniques très limités et les populations autochtones asservies et souvent très hostiles.

1.2. Les bouleversements du XIXe siècle

La décolonisation de l'Amérique espagnole commença au début du XIXe siècle. En 1819, au congrès d'Angostura, le Général Bolivar proclama l'indépendance de la Grande Colombie. Fragile, cette construction éclata dix ans plus tard en trois nouveaux États : l'Équateur, le Venezuela et la Nouvelle Grenade qui devint la Colombie en 1861, comprenant la province de Panamá. Bolivar essaya d'unifier l'Amérique centrale en Provinces Unies rejointes par le Nicaragua en 1823 mais qui les quitta en 1839. L'anarchie régnait dans tous ces nouveaux États, sous la férule des caudillos locaux ; les frontières étaient contestées (cf. le fleuve San Juan entre le NIcaragua et le Costa Rica).

Cette instabilité politique ne facilitait pas les projets des promoteurs d'un canal isthmique possible, promoteurs qui ne pouvaient être que des capitalistes peu enclins à investir des sommes considérables sur la base de traités de concession qu'un nouveau gouvernement pouvait toujours renier.

Grâce aux récits et aux écrits d'explorateurs et de savants comme Humboldt, Bonpland, l'Amérique était mieux connue. En 1811, dans son "Essai politique sur la Nouvelle Espagne", Humboldt décrivit les quatre routes les plus favorables selon lui, pour établir une liaison interocéanique :

1 l'isthme de Tehuantepec au Mexique,

2 la route du Rio San Juan puis du lac du Nicaragua,

3 l'isthme de Panamá : Rio-Chagres-Panamá,

4 l'Atrato et la baie de Cupica.

 

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L'Angleterre est alors une puissance mondiale grâce à sa suprématie navale, la puissance de son industrie et l'étendue de son Empire. Elle s'intéresse à l'isthme méso-américain car ses possessions indiennes et sa colonie australienne obligent ses navires à de longs et périlleux détours par le cap Horn et le cap de Bonne-Espérance. D'autre part, avec l'émancipation de l'Amérique latine, l'Angleterre a acquis de gros intérêts (mines, transports) dans les pays andins (Pérou, Chili).

Face à l'Angleterre se dressent les jeunes États-Unis. Après 1814 (destruction de Washington par les Anglais), les États-Unis se méfient de toute emprise européenne sur le continent américain. Mais il leur faut d'abord conquérir leur espace continentale2. Après la guerre de Secession (1865), les États-Unis se lancèrent dans la maîtrise du Grand Ouest. 1869 est une date clé pour cet objectif : c'est l'achèvement du chemin de fer transcontinental. Désormais les États-Unis possèdent deux façades. Les litiges frontaliers avec le futur Canada furent rapidement réglés. Il leur restait à consolider leur frontière méridionale jouxtant une Amérique latine instable. Or les ambitions géostratégiques américaines à la fin du siècle, sont maritimes comme celles des autres grandes puissances impériales (Angleterre, Japon, France, Allemagne). Pour mener une « politique de la canonnière », les États-Unis devaient s'assurer un passage maritime aisé d'une côte à l'autre. Le passage du Nord-Ouest, dans le grand Nord, étant impraticable, ils se tournèrent vers l'isthme méso-américain, se heurtant aux prétentions britanniques.

En 1869 Ferdinand de Lesseps inaugura le canal de Suez. Ce fut un événement extraordinaire, la concrétisation du triomphe du génie civil appuyé sur la révolution industrielle. S'ouvrit alors la période des « ingénieurs » qui appliquèrent leurs talents à percer l'isthme méso-américain, comme ils avaient percé celui de Suez.

1.3. Le Nicaragua au service de l'or de Californie

La découverte de l'or dans cette région au milieu du siècle posa un redoutable problème d'accès pour les chercheurs venus de l'Ouest et qui voulaient atteindre le nouvel Eldorado. Il n'y avait ni route, ni rail à travers les Rocheuses. La famille Vanderbilt conçut un système multimodal pour transporter ces chercheurs d'or en bateau à vapeur, puis chemin de fer et diligence à travers l'isthme du Nicaragua, par le Rio San Juan et le lac du Nicaragua. De 1848 à 1869, plus de 150 000 passagers empruntèrent cette route de la Accessory Transit Company. Sur cette route, plusieurs projets de canal furent élaborés mais aucun ne recueillit d'appuis financiers conséquents. D'autre part, ils s'appuyaient sur de graves lacunes géomorphologiques, géophysiques et hydrologiques. Ingénieurs, banquiers ou simples aventuriers furent engagés dans une féroce rivalité géopolitique et géostratégique entre les États-Unis et l'Angleterre3.

La guerre des flibustiers (1855-1858) entre le Nicaragua (aux mains de l'aventurier Walker) et ses voisins, perturba cette liaison multimodale au bénéfice de Panamá. Là, les Américains y construisirent le premier chemin de fer transisthmique qui de 1856 à 1859, recueillit la plupart des migrants vers la côte Ouest des Etats-Unis4.

1.4. 1870-1903 : la course au canal entre le Nicaragua et l'isthme de Panamá

1.4.1. Le triomphe de Lesseps au Congrès Universel de 1879

Deux évènements logistiques majeurs relancent la course au canal ; c'est l'ouverture du canal de Suez qui raccourcit considérablement la route maritime Europe-Asie et démontre la valeur du progrès technique ainsi que les capacités de Ferdinand de Lesseps et de son équipe. La même année, l'achèvement de la construction du chemin de fer transcontinental aux États-Unis fait de ces derniers un État pleinement continental à double façade maritime. Relier les deux côtes est fort long par le cap Horn et la nécessité pour les États-Unis, de l'équivalent de Suez devient évidente. Encore faut-il que ce futur canal transisthmique puisse être contrôlé par les États-Unis dans une région fort instable.

En 1879, la Société de Géographie de Paris organisa le Congrès Universel du Canal interocéanique sous le haut patronage de F. de Lesseps. Deux projets s'affrontèrent : l'un était soutenu par les Américains et concernait le Nicaragua ; il retenait l'hypothèse des barrages sur le Rio San Juan afin de mieux maîtriser l'hydrologie puis utilisait le lac de Nicaragua. Son coût de 65 millions de dollars parut trop élevé. Le projet fut repris par l'Amiral Ammen qui proposa un nouveau tracé pour le canal.

Emmenés par F. de Lesseps, les Français avaient une préférence pour l'isthme de Panamá, sans beaucoup d'études préalables, mais avec l'accord du gouvernement colombien (accord Roldan-Weyse). Le Congrès appuya le projet de Lesseps auréolé de son succès de Suez. En 1880, la Compagnie Universelle du Canal interocéanique ouvrit ses bureaux à Panamá et lança un emprunt facilement souscrit qui permit de lancer la construction du canal. Pour 17 millions de dollars, la compagnie racheta la quasi-totalité des actions de la compagnie de chemin de fer de Panamá, entreprise prospère qui devait servir d'appui à la construction du Canal.

1.4.2. L'échec français

Une abondante littérature plurilingue a traité le problème. Nous nous contenterons de rappeler l'essentiel. Les causes de cet échec furent multiples. Il y eut une sous-estimation évidente de l'œuvre à entreprendre, due à l'absence d'études préalables des terrains à traverser, de leur géomorphologie et pédologie, la faiblesse des relevés climatiques et hydrologiques. Toute comparaison entre Suez et Panamá était biaisée par les différences climatiques et géologiques fondamentales. Le climat équatorial panaméen fut mortel pour d'innombrables employés dont la plupart étaient des Antillais français et anglais. La Compagnie déposa son bilan en 1889 après avoir creusé plusieurs kilomètres de canal ; en 9 ans, la compagnie avait extrait plus de 60 millions de m3 de terre, dépensé 88 millions de dollars à Paris, 166 millions de dollars dans l'isthme et eut 6 300 morts de paludisme et de fièvre jaune.

Le gouvernement colombien ne put continuer le projet par manque d'argent.

1.4.3. Le choix des États-Unis entre le Nicaragua et le Panamá

En 1898, la guerre entre les États-Unis et l'Espagne à propos de Cuba, rappela aux premiers l'urgence d'une voie d'eau intra-isthmique pour posséder des liaisons rapides entres ses deux côtes5. Or toute prééminence géostratégique des États-Unis sur ce futur canal se   heurtait au traité Clayton-Bulwer (1850) qui garantissait la neutralité d'une telle voie. Les États-Unis profitèrent de ce que l'Angleterre était engagée dans la difficile guerre des Boers pour lui imposer le traité Hay-Pauncefote (novembre 1901) qui donnait aux premiers le privilège de construire, de contrôler et d'entretenir tout canal interocéanique à construite en Amérique latine sans participation anglaise.

Plusieurs projets restaient en lice. Au Mexique, l'isthme de Tehuantepec offrait l'avantage de raccourcir les accès maritimes entre les deux côtes nord-américaines. En 1894, trois ingénieurs nord-américains y construisirent un chemin de fer mais avec une firme anglaise pour construire un port sur le Pacifique (Sabina Cruz) et un sur la côte caraïbe (Puerto Mexico) et gérer la voie ferrée durant un demi-siècle. Ouverte en 1907, cette ligne est surtout un usage local mais le transit y demeura insignifiant.

L'échec de Lesseps à Panamá revigora le projet Nicaragua. En 1899, le congrès américain autorisa le Président McKinley à nommer une commission (Isthmian Canal Commission) chargée d'examiner les deux projets du Nicaragua et de Panamá. Le premier fut soumis au Congrès en 1899 pour un coût total de 138 millions de dollars avec un canal artificiel pour éviter le cours aval du Rio San Juan. Le projet de Panamá était plus cher car la Compagnie Nouvelle du Canal avait racheté pour 40 millions de dollars le matériel, les plans, les cartes et les archives de la défunte compagnie française.

La commission américaine semblait donc donner la préférence au projet nicaraguayen lorsqu'en mai 1902, la catastrophe de la Montagne Pelée en Martinique rappela tragiquement le poids de l'hypothèque volcanique le long du projet du Nicaragua, alors que ce danger était absent du Panama6.

Mais en 1903, l'Assemblée de Colombie s'opposa à un traité entre la Colombie et les États-Unis qui limitait l'usage de l'option panaméenne. Des contacts entre la junte séparatiste panaméenne et un représentant de la Compagnie Nouvelle du Canal achetée par les États-Unis, renforcés par l'activisme de Bunau-Varilla aboutirent le 3 novembre 1903 à une séparation de la province de Panamá du reste de la Colombie... et le 18 novembre 1903, le traité de Hay-Bunau-Varilla (représentant du jeune Panamá à Washington) donnait aux États-Unis la pleine propriété, sur une bande de 15 kilomètres dans l'isthme de Panamá, pour construire un canal interocéanique à écluses. Cette extra-territorialité de la Canal Zone marqua de manière indélébile les relations entre les États-Unis et le jeune État de Panamá.

1.4.4. Un chantier complexe pour une œuvre titanesque

Le canal de Panama représenta une réussite extraordinaire de génie civil construit... par des militaires ! Le chantier connut deux périodes distinctes. La première, de 1903 à 1909, vit la reprise du chantier français par un consortium d'entreprises américaines. L'échec des Français offrit des leçons profitables à leurs successeurs en ce qui concerne les ouvrages hydrauliques et la fameuse tranchée de la Culebra qui constituait le principal obstacle du parcours. Mais ce consortium connut aussi des déboires financiers et, à partir de 1909, ce fut l'État qui joua un rôle prépondérant. Le corps des Ingénieurs de l'Armée (45 Engineers Corps) prit en mains le chantier et l'acheva en août 1914, au moment où éclatait la Première Guerre mondiale en Europe.

Les ingénieurs américains maîtrisèrent la salubrité des lieux grâce aux équipes du Docteur Gorgas, médecin militaire, spécialiste des maladies tropicales. Ce dernier établit le lien de causalité entre le moustique anophèle et les fièvres responsables des morts du chantier français. Il fit assainir les marécages, installer une architecture ventilée équipée de moustiquaires. Le chantier retira 178 millions de m3 de terre, coûta 387 millions de dollars et plusieurs milliers de morts.

Désormais, le destin du Canal et de la Canal Zone fut intimement lié à la stratégie militaire des États-Unis ; longtemps l'ensemble fut administré par le Secrétariat à la Défense et comportait de vastes zones militaires dont le Southern Command, la plus importante base militaire hors des États-Unis jusqu'au traité de 1977. Le canal de Panamá était bien américain, sur sol américain mais offrait une nouvelle voie maritime internationale sauf en temps de guerre. Le jeune État de Panamá naissait dans des conditions difficiles, très dépendant d'un canal qui ne lui appartenait pas.

2. Un canal presque centenaire, à la veille de sa rénovation

2.1. Le XXe siècle : la persistance des projets concurrents d'un canal d'abord au service des États-Unis

Le canal de Panamá devint, pour les États-Unis, la clé de voûte méridionale de leurs ambitions géopolitiques et géostratégiques dans leur « arrière-cour » caraïbe. Celle-ci comprenait l'ensemble des Antilles, l'Amérique centrale et la rive septentrionale de l'Amérique du Sud, y compris les Guyanes. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis dominaient le bassin caraïbe à l'exception des colonies antillaises françaises et anglaises. Un nouveau projet, (projet Sultan) de liaison transisthmique au Nicaragua fut lancé mais tomba dans l'oubli avec la crise économique puis les prémices de la Seconde Guerre mondiale. Celle-ci redonne une grande importance à la Canal Zone. La guerre sous-marine allemande dans l'Atlantique s'étendit jusqu'à la Caraïbe en menaçant les convois pétroliers en provenance de Trinidad, d'Aruba et de Curaçao vers l'Angleterre. Avec l'accord de prêt-bail de mars 1941, les États-Unis décidèrent d'aider l'Angleterre et installèrent de puissantes bases aéronavales aux Bahamas, à Antigua, Barbade et Trinidad, sous la conduite du Southern Command installé dans la Canal Zone.

La guerre froide poussa l'état-major américain à étudier de nouvelles routes transisthmiques, en ressuscitant les vieux projets du XIXe siècle avec des données modernisées. L'option nicaraguayenne semblait avoir la préférence. Elle servait aussi de moyen de pression sur le Panamá, mécontent de n'avoir ni la propriété du canal, ni la totalité des droits de péage. Ainsi, après les graves affrontements armés de 1964 à Panamá, surgit un nouveau projet de canal au Nicaragua dont l'exécution aurait pu faire appel à des bombes atomiques (projet Plowshare) ! De même, vers 1970, le Congrès américain, alerté par la fermeture du canal de Suez, relança de nouvelles études de liaisons transisthmiques.

Le traité Carter-Torrijos de 1977 sembla régler l'essentiel des différends entre le Panamá et les États-Unis. Le traité établissait le retrait progressif des États-Unis d'ici l'an 2000 et la cession du canal et de sa zone au Panamá. Tout sembla compromis par la grave crise qui affecta les deux pays à la fin des années 1980. L'invasion du Panamá par les troupes américaines en 1989 fut le point culminant de cette crise qui fit de nombreux morts, d'énormes dégâts et perturba gravement le trafic du canal. Pourtant, ce dernier repartit vigoureusement à partir de 1995. La nouvelle administration du canal se « panamisa ». ce fut le début d'une nouvelle ère, un évènement considérable pour cette jeune république qui, née du canal sans le posséder, ni l'administrer, allait enfin prendre la mesure de son propre destin en prenant en mains un outil vital du trafic maritime mondial.

2.2. Un canal saturé pour les transits mais au trafic croissant

L'année 1929 marqua un premier record d'activité du canal avec 7 300 traversées pour un trafic de 32 millions de tonnes. À l'image de l'économie américaine, ce trafic connut l'impact de la grande crise puis les conséquences de la Seconde Guerre mondiale. Le chiffre de 1929 ne fut atteint qu'en 1952. Trente ans plus tard, un nouveau record fut établi avec 14 000 transits pour un trafic de 185 millions de tonnes. La crise de 1989 affecta la totalité du trafic jusqu'en 1995. En 1996, le trafic frôlait les 200 millions de tonnes avec 13 720 transits. Ce dernier chiffre était proche de la capacité maximale des écluses (14 000 transits) et il plafonnait depuis une dizaine d'années. Il en résulta une détérioration du temps de transit des navires, passant de 23 heures en 1994 à près de 33 heures en 1999. Cela tient en partie à la taille croissante des navires qui empruntent le canal7. Ainsi, avec un nombre de transits stagnant, le trafic a-t-il augmenté d'un tiers !

2.3. Un trafic de plus en plus impulsé par l'Asie du Sud-Est

Pendant cinquante ans, le canal de Panamá joua un rôle primordial dans les échanges entre les deux façades maritimes des États-Unis. Plusieurs facteurs successifs vont internationaliser le trafic et le rôle du canal dans la seconde moitié du XXe siècle. Le premier tient à la construction, à partir des années 1950, du Federal Highway System, réseau d'autoroutes intercontinentales dont l'origine stratégique en liaison avec la guerre froide, va servir de support à un énorme essor et à une massification des transports terrestres entre les deux côtes Pacifique et Atlantique des États-Unis.

Le second facteur tient à l'émergence des puissances économiques asiatiques, devenues des acteurs majeurs du commerce international. Ce fut d'abord le Japon, puis les "tigres" (Taïwan, Hong Kong, Singapour, Corée du Sud). Enfin, depuis 2000, l'essor extraordinaire de la Chine en fait l'atelier du monde et un des principaux partenaires des Etats-Unis8.

2.4. Les plus gros navires évitent Panamá

Depuis quarante ans, nous assistons à une augmentation de la taille des divers types de navires afin de répondre à la massification du transport maritime. La fermeture du canal de Suez durant plusieurs années poussa les armateurs et les chargeurs de convois des minéraliers et des pétroliers de grande taille pour compenser le détour par le cap de Bonne Espérance. Ces navires ne pouvaient plus passer par les écluses de Panamá (32,5 m de large, 298 m de long et 12,5 m de tirant d'eau). À partir des années 1990, de nombreux armements commandèrent des porte-conteneurs dépassant les dimensions Panamax. Or l'essor actuel des flux maritimes repose sur les conteneurs et les vracs. Enfin, les récents navires de croisière excèdent également les dimensions Panamax. Ainsi, les écluses du canal constituent-elles un véritable corset infranchissable pour une fraction croissante de la flotte mondiale. Si en 1966, 90 % de cette flotte pouvait franchir Panamá, à la fin des années 1990, c'était à peine un cinquième. Or le trafic du canal est dominé par les vracs solides et liquides (céréales, minerais, produits pétroliers) et les marchandises conteneurisées. À la veille de l'an 2000, pétroliers et vraquiers constituaient 45 % des traversées pour les trois-quarts du trafic ; de 1990 à 1998, le trafic de conteneurs a augmenté de moitié.

2.5. Les concurrents continentaux du Canal

2.5.1. Les limites des ponts terrestres isthmiques

À travers l'isthme de Tehuantepec, le chemin de fer a été modernisé ; il est doublé d'une autoroute, mais son trafic de conteneurs reste limité ; quant aux autres projets ferries de "canaux secs" à travers le Guatemala, le Costa Rica, ou entre le Honduras et le Salvador, ils ne sont guère à l'ordre du jour au sein d'États qui, à l'exception du Costa Rica, connaissent de graves problèmes socio-économiques. Quant au projet de canal au Nicaragua de la période sandiniste, il semble enterré.

2.5.2. Les limites des ponts terrestres américains

Les trains de conteneurs à double niveau qui traversent le Canada et les États-Unis entre les côtes Pacifique et Atlantique sont d'abord utilisés pour le pré et post-acheminement des ports côtiers nord-américains. La marge laissée au véritable transbordement de côte à côte concerne les flux de fret entre la côte pacifique asiatique et les ports atlantiques nord-américains ainsi que pour les ports européens. Mais ces derniers sont de plus en plus desservis par des itinéraires empruntant le canal de Suez.

3. Un canal devenu panaméen

3.1. Une passation de pouvoirs efficace pour une conquête nationale

Les circonstances de la naissance de la République de Panamá et l'attribution concomitante de la Canal Zone aux États-Unis en 1903, ont laissé beaucoup d'amertume aux Panaméens. Après de graves conflits entre les deux pays, le traité de 1977 permit d'envisager le retour du canal au Panamá. Ce fut chose faite le 1er janvier 2000.

Le fonctionnement du canal est désormais assuré par l'ACP (Autorité du Canal de Panamá). Elle a achevé les travaux d'amélioration entrepris à partir de 1996. Il s'agissait d'accélérer le transit des navires :

  • en informatisant certaines opérations et en améliorant les prévisions de trafic,
  • en automatisant le système de machineries des écluses,
  • en augmentant le nombre de remorqueurs de 17 à 24 ainsi que le nombre de locomotives nécessaires au passage des écluses (plus d'une centaine).

L'étroit passage de la Culebra a été élargi à 200 m, ce qui permet le croisement de deux bateaux Panamax augmentant ainsi de 20 % la capacité journalière de transit, soit 44 bateaux par jour dans les écluses (près de 16 000 transits par an). Le temps moyen de transit est redescendu à moins de 25 heures. Mais il est évident que le canal travaille à sa quasi pleine capacité (93 %). Il fallait donc envisager des projets d'agrandissement d'une autre envergure.

3.2. Le projet d'agrandissement du canal : un troisième jeu d'écluses

Le 21 octobre 2006, le peuple panaméen a approuvé à une large majorité référendaire le projet d'agrandissement du canal qui deviendra le plus grand chantier depuis la construction du canal. Il devrait doubler la capacité opérationnelle du canal (soit plus de 600 millions de tonnes) permettant de répondre à l'accroissement de son trafic des vingt prochaines années. Le canal actuel est de toute manière saturé d'ici 2015 et l'on estime que son trafic devrait doubler d'ici vingt ans. Le chantier, commencé fin 2007, devrait s'achever en 2014 pour le centenaire du canal. Les travaux ne devraient pas perturber le trafic puisque les sites de construction se trouvent à l'écart des opérations actuelles de trafic du canal. Le coût estimé de ce chantier est de 5,25 milliards de dollars. Il sera réglé par les usagers du canal moyennant une augmentation annuelle des péages de 3,5 % par an et par un emprunt de 2 milliards de dollars remboursable en huit ans9.

 

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Le chantier consiste en la construction d'un troisième jeu d'écluses, l'un construit du côté Pacifique, au sud-ouest de l'écluse de Miraflores, l'autre se situera à l'est de l'écluse de Gatún, côté caraïbe. S'ajouteront des voies d'accès aux nouvelles écluses, l'élargissement et l'approfondissement de l'actuel chenal de navigation et l'augmentation du niveau maximal du lac de Gatún10. Le chantier mobilisera 7 000 ouvriers (45 000 pendant la construction du canal) et exigera le déplacement de 130 millions de m3 de terre. La capacité du lac de Gatún devrait s'accroître de 450 millions de litres sans construction de nouveau barrage, ni déplacement de la population. Le projet conçu par la firme belge Coynes-Bellier (préféré au projet de l'US Engineers Corps) s'engage à protéger la forêt primaire, ses animaux et les sites archéologiques.

Les nouvelles écluses auront, pour chaque chambre, une dimension de 427 m de long sur 55 m de large et 183 de tirant d'eau permettant l'éclusage de navires de 366 x 49 x 15 m portant 170 000 tonnes de port en lourd. Les plus gros porte-conteneurs actuels (12 000 EVP) et la plupart des vraquiers et des navires-citernes pourront emprunter ces nouvelles écluses. Celles-ci présentent des innovations par rapport à celles existantes11 qui lui permettront d'utiliser 7 % de moins d'eau que les écluses actuelles.

3.3. La récupération de la Canal Zone : un atout pour l'économie de Panamá

La récupération par Panamá de la Canal Zone est un atout majeur pour la diversification économique de ce qui est l'axe vital du pays. En 1993, l'Autorité de la Région Interocéanique a été créée pour planifier et administrer les 94 000 hectares constitués de bases militaires, d'aéroports, d'écoles, de logements, d'hôpitaux et de ports. Il s'est agi d'abord de renforcer l'équipement portuaire des deux extrémités du canal en le liant très fortement au rôle commercial qu'il joue pour une partie de l'Amérique latine. En effet, la zone franche de Colón (côté caraïbe) est désormais la seconde du monde après Hong Kong. Sur 450 hectares, 1 600 entreprises réalisent un transit qui génère plus de 11 milliards de dollars de chiffre d'affaires. Elle agit comme un véritable supermarché à l'échelle du continent latino-américain. Cette zone libre, bourrée de produits manufacturés venus avant tout d'Asie, ne peut qu'être stimulée par les flux des terminaux à conteneurs installés aux deux bouts du canal. En une dizaine d'années, leur trafic a quintuplé et dépasse 2 millions d'EVP par an. Au Sud, Balboa dispose de 2 km de quais avec un tirant d'eau de 12 à 14 m. Au Nord, Cristóbal est le plus grand terminal panaméen avec 2 500 m de quais manipulant tous types de cargaisons et possédant une vaste aire de stockage pour conteneurs. Ces deux ports sont administrés par le consortium portuaire Hutchinson Ports Holding, un des plus puissants du monde.

Au Nord, les terminaux de Manzanillo et de Colón ont été également concédés à des gestionnaires privés : un manutentionnaire américain pour le premier, l'armateur taïwanais Evergreen pour le second, chaque terminal ayant une capacité d'un million d'EVP12.

Ces ports sont reliés par la voie ferrée construite en 1855 ; fortement endommagée par les combats de 1989, elle a été reconstruite à écartement normal et dotée d'un matériel rénové, à partir de juillet 2001 pour un coût supérieur à 100 millions de dollars. Au-delà du train journalier qui conduit les résidents de Panamá à leurs emplois de Colón, l'intérêt principal de cette ligne réside dans sa fonction de transbordement de conteneurs13. Le trafic moyen journalier est de 10 trains, mais il peut atteindre plus de 30, circulant jour et nuit. Le transbordement atteint près de 10 % du trafic de conteneurs du canal et permet de répartir des cargaisons asiatiques vers plusieurs destinations atlantiques à partir des terminaux caraïbes panaméens.

En plus du trafic de transbordement, ces installations portuaires terminales jouent un rôle vital d'éclatement de la moitié des cargaisons emportées par les pays d'Amérique centrale. D'autre part, un appontement pétrolier sur chaque côte permet de faire transiter du pétrole brut par oléoduc.

Panamá joue aussi le rôle de nœud routier avec un milliard de dollars investis pour mettre à quatre voies la route panaméricaine qui, sur 500 km, relie Panamá au Costa Rica. Enfin, le canal est désormais doublé d'une véritable autoroute.

Toute cette activité économique peut s'appuyer sur un solide réseau bancaire ; Panamá est la première place financière d'Amérique latine avec 75 banques totalisant plusieurs dizaines de milliards de dollars en dépôts.

3.4. L'importance des intérêts des États-Unis demeure

La région du canal attire chaque année plus d'un million de touristes dont un certain nombre passe le canal par les bateaux de croisière (plus de 300 par an). Pays devenu stable politiquement, échappant aux cyclones et aux tremblements de terre, Panamá s'efforce d'attirer les résidents étrangers, en particulier les retraités14. Les projets immobiliers (dont une tour de 395 m) se multiplient dans la baie de Panamá et l'aéroport est un des plus fréquentés d'Amérique latine. Le long du canal se réalisent des lotissements privés et fermés de villas vendues à des étrangers qui y trouvent calme, sécurité et coût de la vie inférieur à celui des États-Unis, car c'est de ce pays que vient la grande majorité des visiteurs et des retraités mais aussi une forte part des investissements.

Si le canal de Panamá a désormais un rôle réduit dans le cabotage national des États-Unis, il reste important pour les flux de matières premières exportées (céréales) et importées (minerais, produits pétroliers). Il représente un passage obligé pour une part notable de leurs liaisons entre leurs clients du Pacifique asiatiques et latino-américains pour leur côte orientale et les Grands Lacs. Enfin, si le Southern Command a été déplacé de Balboa à Porto Rico, le traité de 1977 fait toujours du canal le verrou méridional de la stratégie militaire caribéenne des États-Unis.

3.5. La future voie d'eau du Nord-Ouest : un concurrent à long terme ?

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Dès le XVIe siècle et durant des siècles, de nombreux explorateurs et marins cherchèrent cette route mythique entre l'Orient et l'Europe en contournant l'Amérique par le Nord. Le réchauffement climatique du globe terrestre, désormais avéré, a de fortes conséquences dans les hautes latitudes. Dans l'Arctique, depuis une quinzaine d'années, la banquise a été réduite en surface de 14 % et son épaisseur aurait diminué de 42 % ! Ceci se traduit par une débâcle de printemps plus précoce de trois semaines et une embâcle de fin d'été plus tardive. Par la suite du réchauffement de la planète, le passage du Nord-Ouest pourrait être libéré plusieurs mois par an d'ici 2020 avec la disparition de la banquise permanente. Ainsi, cette voie pourrait devenir une route maritime praticable entre l'Europe et l'Asie qui économiserait 7 600 km vis-à-vis de celle de Panamá et 5 500 km vis-à-vis de celle de Suez15. Elle n'imposerait aucune limite de gabarit, ni de tirant d'eau et certains se prennent à rêver du passage de plusieurs navires d'ici 2030. L'attrait est d'autant plus séduisant pour les transporteurs maritimes que les régions du Grand Nord sont très riches en matières premières, lesquelles seraient alors accessibles16.

Quel serait le statut de cette future voie d'eau ? Pour le Canada, il s'agit d'une voie interne à ses eaux et les Canadiens veulent en avoir le contrôle. De nos jours, ce sont des brise-glaces de l'armée et des garde-côtes qui gèrent le passage très peu fréquenté, mais trois nouveaux brise-glaces sont en commande. De plus, le Canada vient de décider de construire le premier port en eaux profondes de l'Arctique en terre de Baffin à Nanisivik.

Pour les États-Unis, si le passage du Nord-Ouest doit devenir une grande voie maritime, elle doit relever de l'article 37 du droit de la mer relatif au statut des détroits internationaux. Le litige entre les deux pays est patent, auquel s'ajoute un problème frontalier entre le Canada et le Groenland, sans oublier les récentes ambitions russes sur l'appartenance du Pôle Nord à la géologie sibérienne.

Les énormes intérêts économiques en jeu nés des perspectives d'exploitation des ressources énergétiques et minières de cette région, couplés à l'intérêt des transporteurs maritimes pour cette voie future laissent à penser que ces litiges seront délicats à trancher.

Mais qu'en sera-t-il de cette voie et sera-t-elle un concurrent sérieux du canal de Panamá ? Les sceptiques s'interrogent encore sur le rythme du réchauffement climatique que plus personne ne nie et qui semble plus rapide aux pôles. Mais le passage du Nord-Ouest gardera de gros risques avec des blocs de calotte glaciaire dérivant en mer rendant la route périlleuse. Une telle voie nécessiterait l'accompagnement coûteux de brise-glaces ainsi que des navires aptes à naviguer dans ces eaux (double coque) où toute pollution serait très difficile à maîtriser et à éliminer. Il faudrait donc équiper cette voie de tout un système complexe et coûteux de sécurité pour la navigation. Le Canada aura sans doute besoin d'aides et les États-Unis ne manqueront pas de se proposer, eux qui, dans cette région, possèdent toujours des stations d'écoute sophistiquées héritées de la guerre froide.

Actuellement, on ne peut donc pas établir un calendrier crédible de mise en place de cette nouvelle voie d'eau. Étant donnés d'une part, le fort développement actuel des échanges maritimes dont l'épicentre est la Chine, et d'autre part, l'échéancier des travaux prévus à Panamá, le canal rénové et aggrandi ne devrait pas ressentir la concurrence de la voie du Nord-Ouest avant plusieurs décennies. Le long de cette future voie, des flux pétroliers, gaziers et miniers devraient naître avec l'accessibilité des richesses du sous-sol évoquées. Ainsi, le passage du Nord-Ouest devrait d'abord être générateur de flux, avant d'être un des détroits vitaux de la circulation mondiale de la seconde moitié de ce siècle.

À quelques années de son centenaire, le canal de Panama connaît une double mutation. Depuis 2000, il est devenu panaméen et au service d'un pays dont il est l'axe vital tant économique que social. Construit par les États-Unis dans un espace qui leur appartenait, ce canal a fonctionné pendant plus de quatre-vingts ans à l'usage avant tout de son propriétaire. L'essor du trafic maritime mondial a de plus en plus internationalisé l'usage de ce canal ; celui-ci est à la fois saturé et trop étroit pour les nouveaux navires qui doivent répondre à la très forte croissance des flux maritimes générés par l'Asie et plus particulièrement la Chine. Le chantier de construction d'un troisième jeu d'écluses plus larges et plus profondes devrait répondre à la demande de transit des navires "overpanamax" de tous types.

Sans doute, le canal modernisé, continuera à être fortement concurrencé par le trajet utilisant le canal de Suez, sans oublier les ponts terrestres transcontinentaux d'Amérique du Nord, tous rivaux qui ne laissent à Panamá que 5 % du trafic mondial. Mais la croissance prévisible de ce dernier dans les décennies à venir est telle que même l'ouverture à terme de la voie du Nord-Ouest, ne saurait marginaliser le canal de Panamá. Celui-ci est appelé à jouer un rôle croissant pour l'Amérique latine si mal dotée en voies terrestres Est-Ouest. De plus, la reprise en mains par le Panamá de l'ancienne Canal Zone, devrait permettre d'inséminer fortement l'économie du pays en la diversifiant à partir de son axe majeur. L'importance du capital privé, en majorité étranger, dans les projets locaux montre un des aspects de l'évolution du rôle du canal durant ce siècle passé.

Pivot majeur de la stratégie américaine dans le bassin caraïbe et de ses ambitions navales sur les océans Atlantique et Pacifique, le canal apparaît désormais comme un élément capital d'une géoéconomie mondialisée. Au sein de celle-ci, l'acteur majeur reste les États-Unis mais ils doivent de plus en plus composer avec de nouvelles puissances comme la Chine et les ambitions d'une Amérique latine qui rêve toujours de s'émanciper de son puissant tuteur du Nord. Le Canal a devant lui un double destin : être à la fois pleinement panaméen tout en continuant à servir de passage obligé dans l'écheveau mondial complexe des liaisons maritimes.


 

1 En 1671, Panamá fut prise par surprise et par voie de terre par le pirate anglais H. Morgan ; la ville fut pillée et détruite. Portobelo subit d'innombrables attaques tout au long du XVIIe siècle.

2 Leur victoire dans la guerre contre le Mexique (1845-1848) permit aux États-Unis d'acquérir 40 % du territoire mexicain (futur États de Californie, Arizona, Utah, Nouveau-Mexique, Nevada).

3 En 1848, la marine britannique bombarda le port de Greytown (San Juan del Norte) proche de l'embouchure du Rio San Juan. Depuis le XVIIe siècle, l'Angleterre dominait la partie orientale du Honduras et du Nicaragua (région des Mosquitos) ainsi que la côte orientale du Guatemala (futur Belize).

4 En 1848, le traité Mallarino-Bidlack entre les États-Unis et la Nouvelle-Grenade, octroyait à ceux-ci le droit de libre transit par l'isthme de Panamá. En 1850, le traité Clayton-Bulwer entre l'Angleterre et les États-Unis évitait le contrôle exclusif par un seul pays de la future voie interocéanique.

5 Durant cette guerre, le cuirassé Oregon mit 68 jours de San Francisco pour parvenir dans la zone atlantique des hostilités.

6 Bunau-Varilla, dépositaire des intérêts français utilisa à fond cet argument auprès des parlementaires des États-Unis.

7 Pour un petit navire, le passage d'une écluse est d'une heure, mais d'une heure et demi pour un gros navire. D'autre part, avant 2002, la passe de Culebra ne permettait pas aux gros bateaux de se croiser d'où une file d'attente.

8 En 2006, parmi les 9 ports mondiaux dont le trafic total dépasse 200 millions de tonnes, six sont chinois. Le trafic maritime chinois a augmenté de 40 % entre 2000 et 2003 et sa croissance ne se ralentit pas.

9 De 2000 à 2006, les péages ont rapporté au Panamá 1,82 milliards de dollars contre 1,87 milliards de dollars versés au Panamá par les États-Unis de 1914 à 1999 ! En 2007, le montant des péages du Canal a dépassé le milliard de dollars.

10 Le chantier reprendra les excavations engagées par les États-Unis en 1939 pour élargir le Canal et envisager un troisième jeu d'écluses, travaux que le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale avait interrompus.

11 Les portes de ces écluses seront coulissantes et non battantes ; le guidage des navires se fera par remorqueur ; 60 % du volume d'eau nécessaire seront économisés grâce à la présence de trois bassins de rétention d'eau liés à chaque chambre d'écluse.

12 Panamá possède, sous pavillon de complaisance, la première flotte mondiale avec 22 % de la capacité totale mais il s'agit avant tout de navires dont les propriétaires sont américains, japonais, allemands, grecs, norvégiens et chinois.

13 Il faut quatre heures d'un chantier de conteneurs à l'autre (75 km) et manutention des trains comprise. Chaque train de 35 wagons porte 70 conteneurs, tracté par deux puissantes locomotives diesel de 3 000 CV chacune !

14 Le rythme des visas accordés aux retraités a quadruplé en 2005.

15 Europe-Asie par cargo : par Panamá, 23 300 km ; par Suez, 21 200 km ; par le Nord-Ouest, 15 700 km.

16 En mer de Beaufort, dans le delta du Mackenzie ainsi que dans l'île d'Ellesmere, plusieurs milliards de barils de pétrole et des centaines de milliards de m3 de gaz naturel pourraient s'y trouver. Sont considérés comme très probables, des gisements de diamants dans les îles Melville et Somerset ainsi que des gisements de zinc, plomb et argent dans les îles de Cornwallis et au Nord de la terre de Baffin.

 

Bibliographie :

 

Ouvrage fondamental, n° spécial d'Acta Geografica / Société de géographie, n° 121 2000/1.

 

Abondante bibliographie , voir en particulier les articles de P. Girot (p. 32-59), J. Marcadon (p. 81-96), J. Charlier (p. 102-111) et J.C. Lasserre (p. 112-122).

 

J.C. Victor, V. Raison, F. Tetart, Le dessous des cartes, Atlas géopolitique, Ed. Taillandia, 2005, p 236-239.

Magazines, revues, quotidiens :

 

La vie du Rail 2/1/2008 : "Panama : un train entre deux océans".

 

Challenges n° 52 du 19/10/2006 : "Panama : le dream des retraités américains".

 

Le Figaro Magazine du 20/01/2007 : "Panama, le canal des géants".

 

Le Monde 18/8/2006 : "Un chantier géant pour élargir le Canal de Panama".

 

Le Monde 18/9/2007 : "Arctique : un nouvel eldorado disputé".

 

Le Monde 21/12/2007 : "Une route sort des glaces".

 

Revue Diplomatique, sept-oct 2006, "Panama, porte du Pacifique et pivot de l'Amérique", p. 42-43.

 

Documentation de l'ACP (Autoridad del Canal de Panama) 2005 : "The new Panama Canal: a better way to go".

 

Images économiques du monde 2005, 2006, 2007.

Auteur : Jean-Pierre Chardon

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