TRANSPORTS ET RÉSEAUX
 
Transport aérien (1997-1999)

 

Facteur essentiel de désenclavement et de développement économique, l'avion contribue aussi au cloisonnement, à l'extraversion et à la dépendance. Il joue par rapport à la région Caraïbe un rôle complexe et ambigu.

Le réseau aérien : facteur et reflet des inégalités et des dépendances

Une accessibilité très différenciée

La configuration des réseaux, leur connectivité (mesure du degré de connexion dans un graphe, rend compte des possibilités de trajets alternatifs à partir d'un ou de plusieurs lieux), leur orientation, la hiérarchie des dessertes en fréquence et en efficacité (dessertes directes ou non), la qualité des infrastructures au sol (surtout longueur des pistes), l'importance des trafics, dessinent une série de centralités et de périphéries emboîtées mettant en évidence les structures internes de cet espace, ses inégalités, ses points forts et faibles, ses dominations et dépendances en cascade, ses cloisonnements et ses polarisations.

La réorganisation des réseaux en hubs and spikes (forme d'organisation moderne des réseaux aériens à laquelle on applique la métaphore de la roue de bicyclette : à partir du Hub (= pivot, moyeu), aéroport performant organisé pour réduire les pertes de temps (correspondances) et offrir de multiples choix de destinations, de multiples lignes aériennes, les "rayons" (Spikes) concentrent et redistribuent les flux de voyageurs et de marchandises) recompose l'espace de l'archipel, renforçant les hiérarchies au profit des nœuds les plus puissants.

Au sommet de l'échelle, une douzaine d'aéroports internationaux, dotés de pistes de 3 000 m, accueillent les longs courriers gros porteurs. Ils assurent la respiration extérieure de l'archipel, son ouverture sur le monde... tout au moins une partie du monde. Ils concentrent les flux les plus importants et sont les pôles organisateurs de l'espace régional.

Parmi eux, l'aéroport de San Juan, à Porto Rico est sans équivalent : hub performant, il draine et redistribue le trafic d'une grande partie de l'archipel réduisant au maximum les temps de correspondance sur un large éventail de destinations. Son trafic qui frôle en 1997 les 10 millions de passagers est de 5 fois supérieur à celui de ses suivants immédiats (Guadeloupe, Barbade, Martinique, Aruba). Il partage avec Miami la fonction de porte d'entrée des États-Unis et se comporte avant tout en poste avancé du réseau américain mais dessert aussi quelques destinations centre et sud-américaines ainsi qu'européennes.

À un niveau bien plus modeste, Philipsburg à Saint-Martin joue ce rôle pour les îles environnantes, Kingston à la Jamaïque en direction du Mexique et de l'Amérique centrale, Port of Spain (Trinidad) ou encore Bridgetown (Barbade) pour le Sud de l'archipel. Leurs quelques lignes long courrier les relient aux États-Unis et aux anciennes métropoles (Grande-Bretagne ou Pays-Bas). Plus modestes encore sont les aéroports de Sainte-Lucie, Grenade ou Saint-Vincent.

Les aéroports des Antilles françaises, (Pointe-à-Pitre pour la Guadeloupe, le Lamentin pour la Martinique), voient avant tout passer un considérable trafic national (liaisons avec Paris et navette entre les deux îles). Très modernes, leur trafic (un peu moins de 2 millions de passagers/an chacun) les place aux 9e et 10e rangs nationaux. L'isolement politique et culturel des DFA dans la région ne leur permet cependant pas de tirer pleinement profit de leur position privilégiée et de leurs atouts logistiques pour devenir les nœuds majeurs du sud de l'archipel.

Les autres îles pour des raisons diverses (moyens financiers, conditions naturelles difficiles ou faiblesse de la population) ne disposent que de pistes moyennes et courtes ne pouvant accueillir les long courriers gros porteurs. Pour leurs habitants, l'accès au monde extérieur passe par une inévitable escale régionale (voire deux dans certains cas). Le nombre des destinations reliées par vols directs est en général très limité. Lourd handicap et source d'une véritable dépendance.

Par contre, la plupart des îles, même très petites et très faiblement peuplées, possèdent leur aéroport, implanté parfois dans des sites qui en rendent l'accès acrobatique (Saba, les Saintes, Saint-Barthélemy, etc.). Les rares exceptions sont en général situées à faible distance d'une île qui en est dotée (ex. : Mayereau aux Grenadines, certaines îles des Bahamas et des Bermudes).

La carte des dessertes directes sans escales donne une bonne idée de la force de polarisation d'un territoire, la desserte directe avec escale permettant quant à elle de mieux apprécier l'étendue de la zone desservie.

Un paysage très mouvant

Par sa nature, le transport aérien possède une grande souplesse et est sujet à de permanents réajustements (la seule véritable rigidité tient aux infrastructures (longueur des pistes)) :

  • La structure des réseaux et l'organisation des dessertes se modifient constamment (ouvertures et fermetures de lignes ou d'escales) en fonction de multiples paramètres (l'évolution du réseau international de la Cubana (compagnie nationale cubaine) en fournit une excellente illustration, cf. plus bas).
  • Les capacités peuvent être quasi instantanément adaptées à la demande (changement de types d'appareils, modification des fréquences).
  • Enfin les compagnies aériennes desservant la région, qu'elles soient régionales ou internationales, sont depuis quelques années touchées par un tourbillon de faillites, fusions, associations, créations. La situation reste aujourd'hui encore très évolutive.

Intra et extra régional : deux mondes aériens

Remarquons que dans la région le trafic "national" (= domestique) peut être à longue distance (ex. : les liaisons entre métropoles et territoires non souverains) et le trafic "international" à courte distance.

Des liaisons intra-régionales denses mais peu performantes

L'absence de réseau régional organisé

En dehors des prolongements de quelques lignes long courrier, la desserte de l'archipel est assurée par une myriade de compagnies de petite taille, publiques ou privées, qui gèrent des réseaux limités, le plus souvent infrarégionaux avec des flottes restreintes d'avions de faible capacité. Quelques-unes sortent tout de même du lot comme la Cubana, qui gère à la fois le réseau intérieur cubain, des liaisons régionales et long courrier ou encore la LIAT (Leeward Island Air Transport), compagnie multinationale, émanation du CARICOM.

Aucune n'assure une desserte cohérente de l'ensemble de l'archipel. D'où la fréquente nécessité de recourir à plusieurs compagnies successives, d'effectuer des trajets "à contre sens" et parfois de passer une nuit à l'hôtel en attendant la correspondance. Des efforts sensibles sont consentis ça et là pour limiter ces désagréments mais rien ne peut remplacer une véritable politique régionale de transport.

De faibles vitesses réelles

Les vitesses élevées théoriquement permises par l'avion sont trompeuses et ne rendent pas compte des vitesses réelles d'acheminement des passagers, très faibles sur la plupart des itinéraires. De multiples facteurs sont en effet responsables de pertes de temps massives. Ils n'ont en eux-mêmes rien d'original mais leur rôle apparaît fondamental au regard de trajets souvent courts voire très courts (moins de 200 km fréquemment). Aux escales et correspondances qui fractionnent de nombreux itinéraires, il faut ajouter les délais d'enregistrement et de récupération des bagages, ceux nécessaires pour accomplir les formalités de police et de douane et les temps d'accès à l'aéroport, souvent important à cause des embouteillages (en Martinique, le soir, lorsque les arrivées et les départs des gros porteurs se conjuguent avec la sortie des bureaux et des établissements scolaires, il faut fréquemment 15 mn pour franchir les 15 km séparant la ville de l'aéroport du Lamentin) ou de l'éloignement (dans certaines îles montagneuses, les aéroports long courrier pour des raisons de topographie, sont souvent éloignés des capitales : Melville Airfield à la Dominique est ainsi à 56 km de Roseau (1 h), Hewanorra à Sainte-Lucie est à sensiblement la même distance de Castries).

Ces massives pertes de temps dilapident les avantages de vitesse de l'avion : au total, il n'est pas rare que, pour un trajet régional, le temps d'acheminement cumulé au départ et à l'arrivée dépasse nettement le temps de vol proprement dit.

Des tarifs très élevés

Les prix au kilomètre des liaisons régionales sont élevés, d'autant plus élevés que l'on emprunte de plus petites lignes utilisant des appareils de très faible capacité... problème d'échelle bien connu que l'on rencontre ailleurs dans le monde et auquel s'ajoute l'absence de concurrence réelle : sur la plupart des destinations régionales on ne connaît ni vols charters, ni tarifs promotionnels. En distance coût et temps, bien des îles kilométriquement proches apparaissent bien lointaines.

Pour toutes ces raisons, la primauté de l'avion peut se trouver aujourd'hui menacée sur certaines liaisons : les navettes maritimes rapides de centre-ville à centre-ville entre la Guadeloupe, la Dominique, la Martinique et Sainte-Lucie ou encore entre Pointe-à-Pitre et Marie-Galante démontrent leur viabilité sur des distances courtes et moyennes.

Une certaine complémentarité entre les deux moyens de transport s'établit en fonction des impératifs des différentes catégories de clientèle (priorité à la vitesse ou au prix ?)

Des relations extérieures prépondérantes

La différence ou plutôt l'opposition (le gouffre parfois!) apparaît radicale sur tous les plans entre la desserte régionale et la desserte extérieure :

par l'envergure des compagnies aériennes, (bien que certaines grandes compagnies d'origine extra-régionales participent au trafic intra-régional par les prolongements de leurs lignes long courriers et que l'inverse puisse exister dans certains cas),

  • par les volumes de trafic : l'agitation brownienne de certaines dessertes intra-régionales (navettes domestiques des îles Vierges US, des Antilles néerlandaises ou ex néerlandaises du Sud, Martinique/Guadeloupe) ne peut guère faire illusion face aux flux massifs Miami – San Juan, Pointe-à-Pitre – Paris ou Londres Bridgetown,
  • par la taille des appareils (moyens ou gros porteurs pour les lignes extérieures ou pour les segments régionaux de lignes extérieures, avions de faible capacité pour les liaisons internes : moins de 50 ou même moins de 20 passagers),
  • par la vitesse commerciale : les lignes à longue distance utilisent des avions à réaction, alors que bien des lignes locales sont desservies par des avions à turbopropulseurs. Entre les deux une différence de vitesse du simple au double,
  • par le niveau des installations aéroportuaires qu'elles exigent,
  • par le prix/km des billets : les liaisons extérieures se font à bien meilleur compte que les relations régionales, phénomène somme tout normal (économies... ou déséconomies d'échelle). Au gré des tarifs promotionnels, des hautes et basses saisons, un vol transatlantique de 8 000 km peut coûter à peine le double d'un vol régional sur 100 à 300 km. Malgré cela, les grands transporteurs extra-régionaux ont une rentabilité par passager/km très supérieure à celle des transporteurs régionaux et l'écart ne cesse de s'accroître. Beaucoup de compagnies régionales sont dans une situation précaire et voient leur existence menacée.

Les grandes lignes à moyenne ou longue distance en direction de l'Europe ou des États-Unis ne jouent donc pas dans le même registre que les lignes régionales

De profonds déséquilibres

L'archipel entretient avec le monde des relations très particulières et déséquilibrées.

♦ Les flux majeurs sont fortement concentrés sur quelques liaisons avec le Nord (États-Unis, Canada) et l'Est (certains pays européens). Ces grandes lignes, qui comportent peu de prolongements commodes vers le Sud (Amérique du Sud) ou l'Ouest (Amérique centrale), peuvent s'assimiler à des navettes ; la région Caraïbe fait ainsi figure d'espace "cul de sac".

Pour les États-Unis joue l'effet distance qui favorise la desserte privilégiée du nord de l'archipel, alors que les lignes transatlantiques gardent la marque forte de l'histoire et matérialisent le maintien de vieilles relations politiques ou culturelles : la KLM relie avant tout Antilles néerlandaises et Pays-Bas.

♦ En contrepoint, les liaisons directes avec la plupart des autres régions du monde (Afrique, Asie, Moyen-Orient ) sont presque inexistantes. Le faisceau isthmique centre-américain se juxtapose au faisceau insulaire sans guère de liaisons entre eux. Seuls quelques modestes émissaires s'étirent vers l'Amérique du Sud ou le Mexique.

♦ Cuba, pour les raisons que l'on connaît, a été depuis 40 ans un cas très particulier. Mise en quarantaine, l'île a durant des décennies entretenu des relations quasi exclusives avec les "pays frères" d'Europe et d'Afrique (Angola et Mozambique) ne conservant que quelques rares points d'appui régionaux. La disparition du bloc de l'Est a réduit ce réseau à quelques vestiges symboliques. En contrepartie, le trafic (essentiellement touristique) explose avec l'Espagne, l'Italie, la France et se développe dans la Caraïbe. Les États-Unis seuls restent réfractaires à toute normalisation de leurs relations... pour combien de temps ?

Un transport aérien au service de la région ?

L'organisation du transport aérien dans la Caraïbe est tout à la fois un révélateur et un moteur du fonctionnement de l'archipel. Il met clairement en évidence et renforce ses traditionnelles extraversion et dépendance. Les flux externes, si supérieurs aux flux internes dénotent la faible cohésion interne d'une région beaucoup plus enjeu qu'acteur des évolutions qui tendent à son intégration globale au système monde, à la sphère d'influence américaine, plus ponctuellement européenne.

La mise en place d'ensembles coloniaux émiettés et dispersés, liés à des métropoles lointaines, un milieu naturellement fragmenté, ont de longue date fait prévaloir dans l'archipel des logiques de proximité réseau fondées sur la connexité, c'est à dire sur des relations denses et directes, la distance temps ou coût primant la distance kilométrique.

L'avion, par sa capacité à desservir un espace discontinu, s'est parfaitement coulé dans ce moule. Loin de le déformer et de le remanier il en a plutôt accentué les traits majeurs : en rendant plus efficaces et étroits les liens préférentiels issus de l'histoire, il a contribué à accroître (relativement) le cloisonnement de la région et la distorsion de l'espace.

Les perceptions et les représentations de l'espace en gardent plus que jamais la marque : suivant les îles, Londres, Miami ou Paris sembleront bien plus proches (et le seront en fait !) que telle ou telle ville ou île de l'archipel.

L'avion dans les îles : plus qu'un simple moyen de transport ou les multiples dimensions du transport aérien

De nouveaux rapports au monde

Dans ces îles traditionnellement extraverties et tournées vers de lointaines métropoles, l'isolement n'a jamais été celui des archipels du Pacifique ou de l'océan Indien. Loin d'être des bouts du monde, les îles antillaises ont été depuis des siècles un maillon d'un très moderne et dynamique système monde, les liaisons maritimes Europe-Antilles ont compté parmi les plus denses et fréquentées de la planète. De même les relations inter-îles ont été de longue date plus actives et intenses que beaucoup pourraient le supposer.

Il serait donc très abusif d'attribuer à l'avion la fin de l'isolement des îles et leur ouverture au monde. Cependant par la formidable compression de l'espace temps qu'il a opérée, son irruption n'en a pas moins profondément bouleversé la vie de l'archipel et de ses populations.

Omniprésent et irremplaçable, l'avion s'est avéré parfaitement adapté à la desserte d'un ensemble territorial fractionné en multiples petites unités et à ses relations à longue distance. Il a détrôné sans coup férir le paquebot et s'est imposé comme le moyen de transport roi pour les passagers tant pour les liaisons intérieures qu'extérieures à l'archipel, se retrouvant même souvent en situation de monopole de fait (cependant, depuis quelques années, les transports maritimes de passagers connaissent un spectaculaire renouveau sur certaines relations des Petites Antilles grâce à une nouvelle génération de navires rapides et confortables et à des tarifs attractifs).

Rares sont les îles, même petites et peu peuplées, dénuées d'aéroports. Portes souvent quasi uniques d'entrée et de sortie des hommes, ils sont des lieux essentiels de vie et d'activité (caractéristique était en Guyane la "rochambite" qui poussait de nombreux cayennais vers l'aéroport de Rochambeau les soirs de l'arrivée de l'avion de Paris pour assister au débarquement des passagers, alors même que la plupart n'avaient personne à accueillir ou à accompagner). Leur trafic est souvent considérable par rapport aux populations des territoires qu'ils desservent. Les facteurs explicatifs sont nombreux et diversifiés, entre autres le niveau de vie, la place du tourisme de séjour dans l'économie (il est passé en 1997, 6,5 fois plus de passagers à l'aéroport de Bridgetown que la population de Barbade ne compte d'habitants) et le rôle de plaque tournante de certains aéroports : 1 785 000 passagers enregistrés à l'aéroport d'Aruba pour 76 800 habitants (rapport de 1 à 23 !)

Le ciel antillais fait ainsi partie, en nombre de vols, en densité de lignes, et en volume de trafic par rapport à la population des espaces très fréquentés de la planète.

Les enjeux du transport aérien dépassent donc largement le champ de l'économique et touchent, de manière plus ou moins ouverte, à la sphère du politique, engendrant dans les îles des rapports particuliers entre aviation, nations et territoires.

Il n'est pas étonnant, dans ces conditions que ce soit l'un des domaines dans lesquels États et collectivités territoriales sont le plus interventionnistes, surveillant jalousement les droits de trafic et les participations au capital des compagnies (les pays de la Caraïbe se sont ainsi tous opposés, de manière plus ou moins virulente à la dérèglementation voulue par Washington qui aurait livré le ciel antillais aux seules lois d'une concurrence inégale).

Une essentielle dimension affective

Dans cet espace d'émigration, ce n'est plus, depuis trois décennies, au port mais à l'aéroport que parents et amis se quittent, parfois pour longtemps. C'est là aussi que l'on se retrouve, que les familles se reforment, que l'on fait connaissance avec nouveaux-nés, futurs gendres ou belles-filles. L'aéroport est un haut lieu d'événements familiaux, d'émotions, de sentiments. L'avenir, les projets, les craintes et les espoirs d'une vie meilleure passent souvent par l'avion : travail, liberté pour certains... au prix de l'exil.

Sans doute la rapidité, la fréquence élevée des liaisons et la baisse des prix du transport, en banalisant les déplacements "en l'autre bord" les ont-elles quelque peu dédramatisés.

L'avion qui décolle a quelque chose de moins définitif que le navire qui larguait ses amarres, sa charge émotionnelle est incontestablement moindre. "Adieu foulards, adieu madras" n'est plus guère de mise : étudiants ou travailleurs conservent bien plus qu'à la génération précédente des relations suivies avec leur îles d'origine et si les moyens financiers ne le permettent pas toujours, au moins sait-on que la possibilité existe d'un retour rapide au pays.

Un instrument politique et stratégique

Tout autant que moyen de transport, l'avion est véhicule du pouvoir : il noue des solidarités, crée des proximités temps et coût, entretient ou conforte des dépendances parfois lointaines, joue un rôle intégrateur à différentes échelles.

Posséder sa compagnie aérienne nationale, c'est donc manifester son influence, au moins son existence, c'est déployer son drapeau. C'est aussi affirmer sa souveraineté et, au-delà des arguments de prestige, sa volonté de maîtriser son destin, de ne pas laisser des centres lointains en décider (fermetures de lignes par exemple).

La tentation a donc été (et reste) forte, surtout pour des micro-entités en manque de reconnaissance, d'en faire l'outil privilégié d'une politique volontariste au service d'ambitions touristiques, d'une influence régionale ou d'un redéploiement des relations extérieures traditionnelles.

Cette dimension interfère (pas toujours de façon heureuse), avec sa vocation commerciale première.

Dans les faits, le bilan apparaît aujourd'hui décevant : les rudes conditions de la concurrence internationale, la fragilité financière des compagnies locales, les ressources limitées des États ont imposé de draconiennes limites à ce type de politique.

La nécessité de rentabilité finit toujours par s'imposer. Elle pousse au bout du compte à favoriser les lignes les plus rentables, c'est-à-dire les plus fréquentées donc à accompagner, voire à renforcer les liaisons préférentielles existantes.

Il faut donc constater que ces tentatives, loin de remodeler sensiblement le fonctionnement de l'archipel en nouant de nouveaux liens, en générant de nouvelles proximités et de nouveaux flux, ont plutôt conforté les relations traditionnelles, renforçant par là même les anciens cloisonnements.

Auteur : Patrice Roth

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