TRANSPORTS ET RÉSEAUX
 
Technologies de l'information (2000)

 

Agrandir

Les dernières décennies du XXe siècle marquent un changement d'époque. Les façons de produire, de travailler, d'échanger, et de vivre tout simplement connaissent des modifications radicales. L'un des marqueurs et des moteurs de ces changements est la place prise par l'information, l'immatériel au sens large, dans l'activité de millions d'habitants de la planète. La part dans les valeurs de biens manufacturés de ce qui est appelé immatériel, c'est-à-dire la conception, le développement, les activités de mise en valeur, marketing, etc., est devenue la plupart du temps supérieure à la valeur de la matière dont sont constitués ces biens. Aux côtés de biens manufacturés, une part grandissante d'activité est constituée de services et d'information : services aux entreprises et aux personnes, formation sous toutes ses formes. Ce développement considérable de l'immatériel et de l'information s'accompagne d'une croissance tout aussi considérable des échanges de cette information. C'est l'échange qui alimente ce développement de l'immatériel. Un échange toujours plus intense du niveau local au niveau mondial, car l'aire, la fréquence, la multiplicité des niveaux se sont simultanément accrus. Le contact entre le local et le vaste monde est la marque la plus visible et la plus spectaculaire de notre époque, c'est celle-ci qui frappe les esprits et pour laquelle la "mondialisation" fait image pour des millions de gens. La fréquence de ces contacts sous l'habit de l'homo economicus, de l'homme aux loisirs, en voyage, ou du citoyen du monde qui s'informe, n'a jamais été aussi élevée pour des centaines de millions d'humains. La proximité n'est pas pour autant désinvestie par les nouveaux modes de communication, elle est déjà constamment associée à d'autres niveaux d'espace, le régional, l'État-Nation, le supranational et le vaste monde. Elle sera plus encore demain le niveau de prédilection d'échanges d'information de toutes natures très intenses.

Ces tendances mondiales jouent aussi sur la Caraïbe. Leur développement constitue un enjeu pour une zone du monde qui s'est particulièrement constituée au travers des différents systèmes de transports, des caravelles et galions aux avions de la fin du XXe siècle. Si le transport et l'échange ont construit l'archipel, celui-ci a aussi souffert souvent du relatif éloignement et des trop petites dimensions des îles. Cette situation contradictoire a couru tout au long de son histoire.

L'ère de l'information rebat à nouveau les cartes, la Caraïbe peut tout aussi bien s'y trouver un peu plus marginalisée ou au contraire en tirer quelque avantage pour surmonter des handicaps antérieurs. La seule technique n'y suffit pas, c'est affaire essentiellement de géopolitique et d'initiatives locales. Hormis la couverture par satellite qui est essentiellement unidirectionnelle, l'usage des technologies de l'information et de la communication (TIC) passe par une desserte en câbles de télécommunications fibre optique.

Le développement des techniques de transports amène fin 2000 à transporter sur une seule fibre, par multiplexage, 80 longueurs d'onde de 2,5 Mégabits chacune. Le trafic intercontinental connaît une croissance exponentielle. Avant 1998, les capacités en débit cumulé des câbles transatlantiques représentaient 27 Gigabits/s, fin 1999, 147 Gigabits/s et fin 2000 1 427 Gigabits/s.

La connexion de la Caraïbe au monde dans le système des télécommunications suit une logique qui à la fois hérite de son histoire et répond à son positionnement : l'archipel et les bords du bassin sont sur le passage de liaisons entre les USA et l'Amérique du Sud. Sur le passage signifie qu'en soi les marchés ne seraient sans doute pas suffisants mais qu'ils sont intégrés dans une logique de desserte et d'acheminement vers de plus vastes marchés. En même temps des liaisons transatlantiques lient directement l'Europe à divers points de l'archipel et de poursuivent vers l'Amérique du Sud. De nombreux opérateurs sont présents sur la zone la plupart dans des logiques de marché intercontinentales : on y retrouve ATT bien sûr, le vieux géant du marché intérieur américain, aux côtés de Cable and Wireless, entreprise anglaise, qui dessert la plupart des îles de l'archipel, et de groupements ad hoc pour les nouveaux câbles : Americas 2 Cable system, ARCOS 1 Cable System, Maya 1 Cable system. Aux côtés de câbles anciens, tels le Key West – Havana, désaffecté en 1989 après 30 années de services, ou du Floride Porto Rico 1, désaffecté en 1984 après 24 ans de services pour le téléphone selon des normes aujourd'hui dépassées, et d'infrastructure des années 1990 reliant la Jamaïque aux Bahamas, la Floride à Porto Rico, aux Iles Vierges, etc., apparaissent de nouvelles liaisons ouvertes en 2000 : Americas 2 sur 8 000 km d'Hollywood (Floride, États-Unis) à Fortaleza au Brésil en passant par les îles Vierges américaines, Porto Rico, la Martinique, Curaçao, le Venezuela, Trinidad et la Guyane française avec 8 lambda (longueur d'onde) à 2,5 Gb/s. Arcos 1 (American Region Caribbean Ring System) également d'Hollywood (Floride) à San Juan (Porto Rico) en passant par les Bahamas et la République dominicaine.

La structure fondamentale de ces dessertes, dont il faut souligner qu'elles seules peuvent acheminer du haut débit sur longue distance est organisée à partir de deux hubs pour reprendre l'image du système aérien : la Floride et Porto Rico, pointes avancées des États-Unis. Il existe certes d'autres liaisons, avec l'Europe, l'Amérique du Sud, mais la trame essentielle est là : Floride – Porto Rico – pourtour du Bassin – Archipel, sur le passage de l'Amérique du Sud. Porto Rico qui, dans la fin des années 1990, a engagé un programme de déploiement d'un réseau fibre optique haut débit reliant des sites universitaires, des entreprises et des sites publics.

Les TIC peuvent permettre aux îles de l'archipel de s'affranchir des freins et obstacles que représentent la mer et la distance et maintenir ou créer de l'activité dans ces entités. Deux voies s'ouvrent, elles sont déjà empruntées de manière embryonnaire, elles le seront encore plus demain : des activités de services à distance (gestion, etc.) à faible valeur ajoutée ou à l'inverse le développement de niches d'activités concurrentielles à la dimension du bassin, ou même internationale. C'est dans cette voie que Porto Rico, dont il faut rappeler qu'il bénéficie d'un financement global des USA de 11 milliards de dollars annuels s'est engagée. Une campagne a été lancée en 1999 pour transformer l'île en centre mondial de science et technologie et s'affirmer comme pont commercial entre l'Amérique du Sud et l'Amérique du Nord. Au-delà de Porto Rico, les TIC représentent un atout pour les îles caraïbes, tant pour ne pas être à l'écart des développements que pour mener une politique de niches et de nouveaux gisements de ressources pourraient alors prendre de la vigueur et la Caraïbe jouer une place-carrefour.

Auteur : Pascal Buleon

Haut