Le Front Populaire aux Antilles
L'exemple de Félix Eboué
Niveau des élèves :
Premières L, S, ES, STG
Matériel nécessaire :
Fonds de carte de la Caraïbe
Durée de la séquence :
Environ une heure, mais cela peut varier et dépend de l'âge des élèves
Ob jectifs de la séquence :
- Commenter des documents historiques
- Comprendre le rôle d’un acteur politique
En Septembre 1936, le contexte sociopolitique est difficile aux Antilles. L’activité économique repose sur l’exploitation sucrière, les ouvriers
perçoivent des salaires de misère et le patronat refuse toute augmentation ; les accords Matignon ne sont pas appliqués dans les colonies.
En Guadeloupe, la situation politique est particulièrement tendue, ouvriers et patronat campent sur des positions extrêmes, le pays est au bord de
l’explosion sociale.
Le Ministre des Colonies M. Violette estime que Félix Eboué originaire des
colonies peut, grâce à son expérience, son impartialité, son ascendant sur les masses, obtenir la confiance des uns et des autres, rétablir le calme tout en respectant la philosophie du Front
Populaire.
Problématique : Comment Félix Eboué va- t-il opérer dans un contexte difficile ? Les objectifs seront-ils
atteints ?
1. Le parcours de Félix Eboué, un atout pour faire face aux difficultés ?
1.1. La formation théorique
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études primaires à Cayenne
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boursier, brillantes études secondaires au Lycée Montaigne à Bordeaux
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baccalauréat es- lettres
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mène de front études de droit et études de l’Ecole coloniale de Paris qui forme l’élite des administrateurs de la France d’outre-mer
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1908 : licence de droit
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1922 : entrée à la Grande Loge de France
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1928 : adhésion à la Ligue des droits de l’Homme
1.2. Un homme de terrain
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1909 : élève administrateur des colonies, sert en Afrique équatoriale pendant 20 ans.
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1932-1934 : Secrétaire général de la Martinique, lance un ambitieux programme de logement sociaux
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1934-1936 : missions au Soudan
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1936-1938 : gouverneur en Guadeloupe (premier gouverneur noir)
2. Félix Eboué, gouverneur du Front Populaire
2.1. Le programme
Doc.1 : Discours programme au Conseil Général, Octobre 1936
Le « minimum social »
[…] Vous avez pu constater que l’exposé de mon programme s’étendait tout particulièrement sur les questions sociales : éducation physique et aménagement sportif, cités ouvrières,
amélioration des conditions de la vie rurale, politique coopérative, crédit maritime mutuel, assistance publique, assainissement des eaux, enseignement agricole, apprentissage, enseignement
professionnel, instruction publique : toutes questions qui, au premier chef intéressent les masses ouvrières et paysannes, et qui, une fois résolues, constitueront notre « minimum
social » enfin atteint.
Je sais que l’œuvre est vaste, que des découragements pourront se produire ; mais je sais aussi que si nous ne réalisons pas ce minimum, l’avenir de ces vaillantes populations sera
fortement compromis.
On me reproche, m’a-t-on dit, de me fixer un minimum qui représente le maximum des efforts que le Pays peut donner… mais je crois fermement, que nous pouvons atteindre le but que nous nous
sommes assigné ; je crois que le Pays peut faire ces efforts ; car, au fur et à mesure des réalisations, nos possibilités se trouveront accrues par ces réalisations mêmes, et,
d’étapes en étapes, avec prudence mais avec sûreté, nous arriverons à donner à tous le moyen de satisfaire leurs besoins « sociaux ».
Source : Manuel scolaire.
Quels sont les objectifs fixés par le gouverneur Eboué ?
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améliorer la condition des classes laborieuses
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arbitrer les conflits entre protagonistes,
entre partis politiques et intérêts économiques divergents
-
inciter la population à se remettre au travail
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rétablir le calme dans le respect des lois, des biens et des personnes.
En quoi ces mesures s’apparentent-elles au programme social du Front Populaire ?
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réformes sociales pour améliorer les conditions d’existence des populations et permettre l’ascension sociale
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justes rétributions
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bâtir une société moins inégalitaire
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reconnaître le rôle et le mérite de chacun au sein de la République (le mot Nation ne peut s’appliquer compte tenu du statut politique des
colonies).
2.2. La méthode
2.2.1. A travers les crises
Doc.2 : Discours de Félix Eboué à l’Habitation La Boucan (Commune de Sainte-Rose), Décembre 1936.
Discours aux ouvriers en grève
Je suis venu dans votre pays avec une grande joie et une grande fierté. J’étais heureux, moi, un Noir, de venir vous administrer, vous, des gens de ma race.
Or depuis que je suis en Guadeloupe, les choses se passent comme si, honteux de voir un Noir à la tête du pays, vous, les ouvriers industriels et agricoles, vous aviez juré d’accord avec
l’usine, de me faire partir dans la honte et le sang. C’est avec douleur que je constate qu’au lieu de m’aider, vous semblez faire le jeu de ceux-là mêmes qui se refusent à vous payer de justes
salaires, le jeu de ces agitateurs qui vous excitent à l’incendie, à l’occupation d’usines, aux menaces et peut-être, tout à l’heure, à l’assassinat.
On me conseille, vous le savez, d’appeler la gendarmerie car ce qu’on veut c’est faire couler le sang. Et je vous le dis aujourd’hui, avec tout l’amour que je porte pour tous les êtres à
quelque race qu’ils appartiennent : voyez ces mains, noires comme les vôtres. Elles n’ont jamais été éclaboussées, jamais été souillées par une goutte de sang.
Je vous le dis à vous et, par-dessus vos têtes, je parle à la Guadeloupe : si vous êtes assez peu maîtres de vous-même pour faire couler le sang humain au lieu de dominer vos colères et de
discuter comme des hommes libres, alors je quitterai ce pays en vous maudissant. Souvenez-vous que vous forgerez vous-mêmes les chaînes qui vous entraveront demain et vous appellerez vous-mêmes
la répression qui vous écrasera.
Quant à moi, je préfère encore retourner en Afrique où des hommes m’attendent, et qui, eux, me comprennent.
Source : Manuel scolaire.
Quel est le contexte dans cette habitation ?
-
ouvriers en grève depuis plusieurs jours, occupation du site, séquestration du directeur de l’usine, prise en otage du chef de cabinet du
gouverneur
-
les ouvriers sont sous-alimentés voire affamés, sous-payés
Quelle stratégie adopte Félix Eboué face à cette situation de crise ?
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contact direct avec les travailleurs grévistes et arbitrage des différends entre ouvriers et patrons
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désir de communication et de reconnaissance de l’autre « notre Pays »
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admet le bien fondé de la colère des ouvriers agricoles « …. vous payer de justes salaires…. »
-
condamnation de la violence dont les ouvriers risquent d’être les premières victimes « le jeu de ces agitateurs…. assassinat » ;
« on me conseille…. sang ».
Pendant son séjour en Guadeloupe, F.Eboué a été confronté à de nombreuses crises sociales liées aux difficultés économiques. Sa méthode a été toujours
la même : la rencontre avec les ouvriers, appel au calme, le dialogue, la médiation.
2.2.2. En s’imprégnant du contexte socioculturel
Photo 1 : Félix Eboué en visite à Basse-Terre en 1937
Source : Archive de l'auteur.
Auteur : Marc-André Leopoldie
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