PROFESSEUR
 
L'âge industriel aux Antilles (1850-1939)

Document du professeur

Objectifs de la séquence

Cette proposition d'étude de cas répond à un triple objectif :
- Introduire l'étude de cas en histoire.
- Cette étude de cas s'intègre dans le premierthème du programme d'histoire de la classe de 1re: « L'âge industrielet sa civilisation du milieu du XIXesiècle à 1939 » (L, ES, S). L'objectif est de présenter le processus d'industrialisation à l'origine de la croissancependant près d'un siècle en mettant en évidence les évolutions et les ruptures majeures(I.1 : L, ES) (I.1.2 : S) (voir « accompagnement des programmes : Thèmes d'étude. » site http://www.eduscol.education.fr).
- Nous avons choisi l'exemple des Antilles françaises qui permet de mettre ici en œuvre l'adaptation des programmes.

Problématiquede la séquence

La problématique proposée pour conduire cette étude de cas est : « L'industrialisation aux Antilles françaises de 1850 à 1939 : un processus inachevé ? ».

Les étapes

1. Travail préparatoire et/ou travail en classe par groupes : il s'agit de répondre au questionnaire qui accompagne le corpus documentaire. Cela permet aux élèves de réactiver en début d'année les compétences nécessaires à l'épreuve proposée au bac : prélever, classer, confronter les informations prélevées dans les documents.
2. La correction des questions doit permettre :
- de mieux connaître l'histoire locale,
- d'élaborer une synthèse répondant à la problématique.
3. A l'issue de ce travail de 2 heures, les acquis doivent être contextualisés : « il s'agit de généraliser ce qui a été découvert à l'Europe industrialisée et aux USA en soulignant (…) les différences et les décalages spatiaux et chronologiques ».

Quelques pistes de correction

(Il est conseillé aux élèves d'utiliser le fascicule « lycée » « Antilles- Guyane »)

Partie 1. Le processus d'industrialisation

Q1. Décrivez les documents 1 et 2 en insistant sur ce qui les différencie : énergie, bâtiments, moyens de transport utilisés.

Énergie utilisée
Bâtiments
Moyens de transport
Doc. 1
Habitation-sucrerie
Alizés → énergie éolienne
Moulin, sucrerie, purgerie… Bâtiments de petite taille dispersés
Homme (esclave)
Animal (cabrouet)
Doc. 2 & 3
Usine centrale
Bagasse, charbon → vapeur
Bâtiments regroupés
plus grands structure métallique
Chemin de fer
Locomotive à vapeur

En guise de synthèse
- Utilisation d'une nouvelle énergie : la vapeur
- La machine se substitue peu à peu à la force humaine et animale
- L
'usine remplace l'atelier
- Révolution des moyens de transport

Q2. Définir : habitation-sucrerie, usine centrale.
Définitions issues du manuel scolaire
Habitation-sucrerie
 : complexe agro-manufacturier intégré où sont effectués toutes les opérations depuis la culture de la canne jusqu'à l'exportation du sucre.
Usine centrale : née en 1841, elle s'occupe uniquement de la fabrication du sucre. Elle centralise la production cannière de plusieurs habitations. Il y a donc, au début, séparation entre l'activité agricole et la transformation industrielle du produit (en 1845 en Martinique on comptait 2 usines ; vers 1900, on en comptait 19).

Q3. A partir des documents 3 et 4 décrire l'organisation des transports de la canne en Martinique. Qu'en concluez-vous ?
- Le transport de la canne se faisait surtout par voie ferrée mais aussi par voie d'eau (chaland).
- Autour de chaque usine centrale est construit un réseau ferré délimitant sa zone d'influence.
Remarques : ces réseaux ne sont pas interconnectés. Les écartements de voie sont différents, chacun ayant acheté son matériel sans se préoccuper « du voisin ».
En guise de synthèse
La révolution des transports se caractérise par :
- Une amélioration des temps de transport
- Une augmentation des quantités transportées
Mais : le transport se limite au transport de marchandiseet seulement de la canne. Il n'y a pas de volonté d'unification du réseau donc pas de maîtrise du territoire dans sa globalité.

Partie 2. Un nouveau capitalisme pour une production de masse

Q4. Après avoir défini les mots ou expressions suivantes : société anonyme, capital, prêt à long terme, dividende, justifiez l'expression « fièvre de placement dans les usines sucrières ».
Comment financer l'entreprise ?
- Autofinancement mais il est insuffisant.
- Le capital se constitue en société anonyme : il est alors divisé en actions mises en vente. Chaque actionnaire participe aux bénéfices de l'entreprise sous forme de dividende.
Société anonyme par actions : entreprise au capital divisé en parts (actions) librement négociables. La responsabilité des actionnaires est limitée à leur apport boursier.
Dividende =Revenu versé par l'entreprise à ses actionnaires.
- Le prêt à long terme pour financer les investissements auprès d'organisme tel que le Crédit Colonial.
Pour caractériser l'expression « fièvre de placement dans les usines sucrières », réutiliser les mots définis précédemment par les élèves.
Exemple : Le capital investi dans les usines centrales rapporte des dividendes importants et rapidement : cela encourage la spéculation.
Q5. Trouvez les raisons qui ont poussé le gouvernement à créer le Crédit Foncier Colonial.
Le gouvernement crée le Crédit Colonial en 1863 pour : « construction des usines centrales » et « amélioration de celles qui existent déjà »
C'est un organisme de prêt exclusivement (toute autre opération est interdite) qui répond à un besoin de capitaux (structures coûteuses).
En guise de synthèse
- L'état est un acteur de l'industrialisation
Q6. Que peut-on déduire des documents 6a et 6b sur l'évolution de la production sucrière antillaise ?
Remarque : faute de chiffres de production de sucre, nous utiliserons les chiffres de l'exportation sachant que l'essentiel de la production était destiné à l'exportation : l'évolution de l'exportation reflète donc celle de la production.
- 1850-1939 : période de croissance globale (augmentation quantitative de la production) due à l'industrialisation.
- 1850-1880 : forte augmentation (multiplication par 1,5) : contexte de prospérité. Les exportations sont stimulées par les progrès des transports.
- 1880-1910 : diminution de la production et de l'exportation : contexte de dépression.
- 1884 : crise sucrière de surproduction, les cours s'effondrent. Les exportations diminuent.

Partie 3. Une société en mutation ?

Q7. Quelle grande transformation sociale s'est produite en Martinique dans la deuxième moitié du XIXesiècle ?
Apparition du salariat agricole (anciens esclaves, nouveaux immigrants indiens).
Q8. Quelle réflexion les pratiques du piquant et du caïdon vous inspirent-elles ?
Relation à la fois de paternalisme (caïdon : prise en charge de la vie professionnelle et privée) et de domination, de dépendance (caïdon et piquant).
Q9. Quelles sont les régions touchées par le mouvement de grève ? Pourquoi ? En quoi cette grève présente-t-elle un caractère nouveau ? (documents 9a et 9b) ?
Les régions touchées par la grève sont les régions de monoculture cannière où sont implantées les usines centrales.
C'est la grève générale de tous les ouvriers agricoles de la Martinique.
Q10. Classez les acteurs de ce conflit en fonction de leur rôle.
Les différents acteurs de la grève sont :
- L'État représenté par le gouverneur, la gendarmerie, les troupes d'infanterie de marine. Son rôle est le maintien de l'ordre et la protection des usines.
- Les grévistes ou émeutiers sont les ouvriers agricoles rejoints parfois par les ouvriers d'usine. (5 délégués)
Q11. Relevez les revendications des grévistes.
Les revendications sont :
- Amélioration des salaires (passage de 1 franc à 1,5 franc par jour).
- Amélioration de la journée de travail (tâche = 100 pieds de canne).
- Début d'une conscience de classe (groupe d'individus qui, par sa culture, ses revenus, sa place dans la société présente une certaine homogénéité).
- Début d'une lutte des classes : « Les affaires sont belles, nous demandons à être mieux traités. Les directeurs d'usine ont reçu des augmentations de solde et les actionnaires de gros bénéfices. Nous demandons aussi notre petit bénéfice ».
- Développement de la culture politique fondée sur la grève, la solidarité, l'organisation (délégué, pétition…).
Q12. A travers cette description de la case, quelle analyse le poète Aimé Césaire fait-il de la situation de la Martinique en 1939 ?
La description faite par Aimé Césaire de la Martinique en 1939 évoque : pauvreté, maladie, habitation précaire… C'est une Martinique encore essentiellement rurale, sous-développée.

Travail de synthèse

- Rappeler le thème et la problématique.
- Travail de groupe : 3 groupes correspondant aux 3 paragraphes (1. Transformations techniques, 2. Transformations économiques, 3. Transformations sociales) dans lesquels doivent apparaître les mots clés.
Thème : Le processus d'industrialisation aux Antilles françaises de 1850 à 1939.
Problématique : Peut-on parler d'industrialisation aux Antilles ? ou l'industrialisation : un processus inachevé aux Antilles ?
Vers 1850, un premier processus d'industrialisation se développe. Il repose sur la double utilisation du charbon et de la bagasse qui alimentent les machines à vapeur faisant tourner usines centrales et locomotives. Le chemin de fer, les chalands sont au service de cette nouvelle activité industrielle. Avec l'essor du machinisme, l'usine centrale s'impose et détermine grâce à son réseau ferroviaire, sa propre zone d'influence.
Cet essor industriel réclame des capitaux de plus en plus importants. L'autofinancement étant insuffisant, l'État crée un organisme de prêt à long terme (Crédit Colonial) pour l'amélioration ou la création des usines centrales. Par ailleurs, le capital se constitue en sociétés anonymes divisées en actions mises à la vente. L'importance des investissements exige en retour des équipements rentables et vite amortis. Il faut donc augmenter la production et la productivité. Aussi cette période est-elle marquée par une croissance globale. Cependant, on note en 1884 une récession liée à une période de surproduction.
Dans le contexte de l'abolition de l'esclavage et de l'apparition de l'usine centrale, la société se transforme. En particulier se développe le salariat agricole. Face à celui-ci les patrons adoptent une attitude de paternalisme et d'exploitation. Les ouvriers agricoles et usiniers construisent une culture politique qui repose sur la grève, la solidarité. Les grèves comme celle de 1900 se traduisent par des manifestations brutalement réprimées. Elles ont pour objet de revendiquer une augmentation des salaires (1 Fr à 1,5 Fr) et la diminution de la durée de travail (1 tâche = 100 pieds de canne).
L'âge industriel se traduit donc par des mutations techniques, économiques, sociales sans pour cela générer un réel progrès et développement. Ceci permet de dire que le processus d'industrialisation aux Antilles est inachevé.

Quelques pistes de réflexion sur les limites de la Révolution industrielle aux Antilles.
Cette réflexion peut se faire en commun pour étoffer la réponse à la problématique.
- Une mono-industrie : les usiniers, attirés par des profits faciles, n'ont pas su passer à d'autres fabrications quand le marché du sucre s'est mal porté.
- Peu d'interactions avec les autres secteurs
- Une question d'échelle
- Les promoteurs de la révolution industrielle sont des producteurs de machines et de constructions mécaniques. Ils ont une élite intellectuelle scientifique et de nombreux capitaux : ce n'est pas le cas aux Antilles.
- Les Antilles restent rurales : pas d'exode rural, pas d'urbanisation notoire.
- L'industrialisation des colonies à sucre se déroule dans un système colonial classique (colonie = débouché pour les manufacturés des métropoles).

Auteurs : Maryse Verrecchia, Pascal Bailly, Yves François, Colette Joly

Haut