POPULATION
 
Macrocéphalie urbaine (2008-2012)

 

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Les systèmes urbains sont marqués par leur fondation et leur long passé colonial. cette origine commune, tout oppose les villes continentales à celles de l’Archipel. Sur les vastes espaces de l’Amérique latine, le choix de l’emplacement de la capitale, souvent proche des anciennes villes précolombiennes, a été le plateau, limite des terras calientes et des terras frias. Le port nourricier de la ville se trouve toujours à quelque distance. Bogotá est avec ses 7,3 millions d’habitants, la capitale dont la domination est la plus accentuée. Elle est exceptionnellement très centrée sur l’intérieur à quelques 200 km de la mer dans une vallée très resserrée. On retrouve des situations identiques pour Mexico et toutes les capitales de l’isthme, sauf Panamá.

À l’inverse, les capitales îliennes sont des ports, y compris dans les Grandes Antilles : relais, lieu de redistribution, l’espace s’organise autour du fort, d’une citadelle dans le fond d’une rade, à l’exemple de San Juan de Porto Rico ou de Castries, Sainte-Lucie. Les îles du nord, eu égard à leur superficie et à leur population ont pu construire des réseaux urbains structurés, dont le plus achevé se rencontre à Cuba, avec La Havane, capitale multimillionnaire, accompagnée de villes secondaires de plusieurs centaines de milliers d’habitants comme Santiago, suivies d’agglomérations d’importance moyenne et de petits bourgs locaux. L’industrielle Porto Rico affiche des analogies avec Cuba ; cependant le réseau est plus complexe car il est lié à un développement économique qui bénéficie de la protection des États-Unis. Dans les autres entités des Grandes Antilles, la capitale est largement dominante, tel Saint-Domingue en République dominicaine.

Chacune des îles des Petites Antilles ne possède quasiment qu’une seule agglomération qui peut absorber fréquemment entre 15 et 30 % de la population et parfois 40 % à Barbade. Dans les Antilles néerlandaises, à Curaçao et à l’autre extrémité de l’arc à Nassau dans les Bahamas, la ville concentre plus de 50 % des habitants. Le reste du territoire ne connaît que des bourgs concentrant des activités élémentaires, tels les petits commerces, les écoles, les bureaux de postes. Partout la concentration est la règle, la macrocéphalie s’impose : la ville principale rassemble entre 25 et 60 % de la population d’une entité.

Haïti et sa capitale Port-au-Prince en sont la caricature dramatique : sur les 9,9 millions d’Haïtiens, 2,5 à 3 millions se regroupaient avant sa destruction par le séisme dans la métropole entourée de bidonvilles. Carrefour, le si mal nommé puisqu’il s’étendait sur deux à trois kilomètres, longeait la mer et se déployait sur une étroite plaine côtière en direction de l’ouest : il avait surgi dans les années 1970 et depuis n’avait cessé de croître. Après le séisme il existe toujours. Même dans leurs décombres et leur reconstruction effroyablement lente et désorganisée, Port-au-Prince et Haïti n’ont pas enrayé la macrocéphalie de la capitale.

Les modèles venus d’ailleurs façonnent les agglomérations et les îles. Les centres-villes, dans certains cas, évoquent les grandes métropoles nord-américaines : les gratte-ciel rappellent les Central Business Districts (CBD) américains alors que les couches moyennes et les élites organisent l’espace en une multiplicité de villas accompagnées de l’inévitable piscine qui affirme la distinction sociale ; dans d’autres cas, ils sont le témoignage du passé colonial avec un plan en damier et une place centrale ; les routes forment de simples ceintures qui épousent le littoral ou des réseaux plus hiérarchisés qui portent l’urbanisation jusqu’aux confins insulaires ; les zones industrialo-portuaires se retrouvent à des degrés divers partout. L’urbain est là qui grignote l’espace inexorablement, mais un urbain sans beaucoup d’urbanité.

 

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Auteurs : Monique Bégot, Pascal Buleon

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