ÉCONOMIE
La pêche dans le bassin Caraïbe - 2019
La pêche n'est pas une activité majeure dans la Caraïbe, même si tous les pays pratiquent cette activité. Elle reste bien souvent au stade artisanal et dépend fortement du nombre de pêcheurs et des installations dédiées, de la taille du pays considéré et de sa zone de pêche. Pour ceux qui ont les capacités matérielles et humaines de pratiquer une pêche commerciale, elle est souvent associée à une activité d'aquaculture en complément. Qu 'elle soit artisanale ou commerciale, la pêche contribue aux maintiens de pratiques culturelles et dans de nombreux cas à assurer une part des besoins alimentaires des populations. La mer des Caraïbes est connue comme étant une zone dont les ressources halieutiques sont limitées et où les captures sont parmi les moins importantes au monde. Elles ne représentent en effet que 0,2 % du total mondial des captures. La production aquacole est également limitée, environ 1 % du total mondial. La pêche est donc une activité mineure qui ne participe qu'à 1 % du PIB de la zone Atlantique Centre-Occidentale (zone COPACO N°31 de la FAO).
Carte n°1 : Zone 31 COPACO
Source : FAO, 2021.
En réalité, si les captures ne sont pas importantes, la mer des Caraïbes est assurément l'une des zones marines présentant la plus grande biodiversité à l'échelle de la planète. Cependant, les espèces présentes ne sont pas massivement vouées à être commercialisées sur le marché international, à l'instar des espèces pêchées en Atlantique nord ou dans l'Océan Indien. On y rencontre toutefois quelques espèces à forte valeur ajoutée destinées à l'exportation, telles que la langouste ou le homard. On pêche également le thon albacore, le thon jaune, la conque, ou bien les crustacés comme les crevettes et quantités d'espèces endémiques très prisées des consommateurs locaux. En 2018, la valeur estimée des débarques dans la zone est de l'ordre de 700 à 930 millions de US$ pour une moyenne de 1,2 à 1,6 millions de tonnes annuellement débarquées. La pêche assure également de nombreux emplois, et s'avère parfois vitale dans certaines zones rurales. Ainsi, les pêcheurs indigènes jouent-ils un rôle majeur dans la pratique de cette activité sur les côtes caribéennes des pays de l'isthme. Les femmes jouent aussi un rôle important dans les activités annexes telles que les ventes et les transformations des produits de la mer. La consommation intérieure est également importante dans certains pays comme le Guyana ou certaines îles des Antilles, comme les Turques et Caïcos, mais elle reste en général inférieure de moitié à la consommation moyenne mondiale. La pêche n'est donc pas une activité économique majeure de la zone, alors même que tous les pays la pratique. Les types de pêche, les espèces disponibles, les marchés visés et les capacités économiques et humaines sont des caractères discriminants et influent fortement sur ce secteur d'activité au demeurant générateur d'emplois et assurant son rôle de subsistance alimentaire dans certains pays de la zone. Pour étudier cette activité, nous avons fait le choix de nous concentrer sur une partie de la zone de pêche relevant de la Commission des Pêches pour l'Atlantique Centre-Ouest (COPACO), les zones statistiques n°31 et 41 définie par la FAO et pour laquelle les logbooks des pêcheurs permettent de comptabiliser les volumes et la nature des prises. Cette zone s'étend du Cap Hatteras en Caroline du Nord, aux États-Unis (35° de latitude nord) au sud du Cap Récif, au Brésil (10° de latitude sud). Elle couvre une étendue de près de 15 millions de km², dont une petite partie (environ 12%) correspond au plateau continental. Ce sont les zones de pêches couramment fréquentées par les pêcheurs locaux. Cet ensemble recouvre en réalité des espaces maritimes aux profils très variés, tel que le Golfe du Mexique et la mer des Caraïbes ou bien encore le plateau continental des trois Guyanes. Les fonds sont très différents, alternants entre zones de faibles profondeurs, bancs de sable, plateaux continentaux et grands fonds. Les espèces qui fréquentent ces habitats sont donc tout autant variées. Cet ensemble reçoit différents courants marins en provenance de l'Atlantique ou prenant naissance dans ce bassin maritime et contribuant à alimenter les courants d'Atlantique Nord (courant Caraïbe, courant de Floride...). Cette zone de pêche est également alimentée par les grands bassins fluviaux du Mississippi, et dans la partie Atlantique, par les fleuves guyanais et par l'Amazone. Ces grands fleuves permettent des apports nutritionnels saisonniers et des dépôts de sédiments qui favorisent la productivité des eaux côtières et influent également sur la circulation des eaux marines dans la zone. 1. Richesse halieutique et espèces endémiquesCe qui caractérise une nouvelle fois la zone, c'est l’hétérogénéité des fonds marins et des littoraux qui déterminent la productivité des zones de pêches : les mangroves, les récifs coralliens, les prairies sous-marines et les zones de rejet des grands fleuves précédemment cités composent l'essentiel des espaces marins à fortes productivités. Ils constituent également des habitats naturels favorables au développement de la biodiversité, zones de frayères ou d'alevinage, ils forment autant d'espaces protégés des houles et ondes cycloniques fréquentes dans la zone. Toutes les conditions sont ainsi réunies pour faire de la mer des Caraïbes, un espace halieutique riche et offrant une très grande variété d'espèces, dont certaines ne se développent que dans ces eaux. Mais si la variété est bien présente, les stocks et la valeur ajoutée potentielle de ces espèces ne sont pas à la hauteur de la richesse biologique. Aussi, toutes les espèces ne sont pas concernées par l'activité de pêche. Ce sont avant tout les crustacés qui sont pêchés et commercialisés : langoustes bien évidemment, homards, crabes mais aussi différentes variétés de crevettes. Les poissons démersales ou migrants, sardines, anchois, thons, dorades et quelques variétés côtières composent le reste des prises. D'autres variétés sont avant tout pêchées pour les marchés locaux, donnant lieu à des spécialités culinaires appréciées, telles que les conques (le lambi en Martinique), les pieuvres mexicaines (Chatrou martiniquais ou guadeloupéen), les poissons de récifs comme les poissons perroquets, les poissons-chats, les vivaneaux et les mérous. D'autres espèces intéressent la pêche récréative et la consommation locale comme le barracuda, l'espadon ou le marlin. Enfin quelques espèces ne sont convoitées que par certains pêcheurs, on peut ainsi mentionner la pêche aux poissons volants à Barbade, le wahoo à Aruba ou le poisson lion aux Caïmans. 2. Volumes des prises et principaux producteursAvant de poursuivre l'analyse quantitative de cette activité, il convient de revenir sur les données disponibles. Il faut en effet relativiser les chiffres et données de cette filière, on estime que la pêche artisanale est largement sous estimée en raison de son caractère souvent informel, notamment dans les îles. De plus les données sont très souvent lacunaires et partielles dès lors que la pêche ne revêt pas un caractère commercial. On peut néanmoins dresser un premier bilan de cette activité même si nombre de pêcheurs pratiquent une pêche destinée à alimenter en priorité le marché local ou régional, avec des espèces appréciées de la population et des touristes. Faute de gestion commune dans les précédentes décennies, la mer des Caraïbes a connu des périodes de surpêche qui ont conduit à appauvrir les fonds caribéens. La pêche génère en 2018, un total de 1,47 millions de tonnes de prises sur l'ensemble de la zone. Ce chiffre est certainement sous-estimé compte tenu de l'importance de la pêche informelle. De fortes disparités existent entre Grandes, Petites Antilles et pays de l'isthme. Les différences s'expliquent d'une part, par les techniques de pêches employées, le type de pêche, artisanale ou commerciale et d'autre part par l'objet même de cette pêche, pêche de subsistance ou pêche destinée à l'exportation. Les principaux pays pêcheurs de la zone sont le Mexique, les États-Unis et le Venezuela. À eux trois, ces pays ont enregistré en 2018 quelques 1,22 millions de tonnes de prises, soit près de 83 % du total caribéen. Les produits de ces pêches sont avant tout destinés à l'exportation vers les marchés intérieurs mais aussi nord-américains et européens. Cette pêche en eaux profondes, pratiquée le plus souvent dans la limite des ZEE, se complète d'une importante production aquacole. Prenons l'exemple du Venezuela : Le Venezuela cumule une pêche commerciale vouée à l'exportation, notamment de thons albacores et une pêche artisanale dont les captures concernent essentiellement la sardine. Le Venezuela affiche un total de prises de 227 809 tonnes de poissons et crustacés en 2018. La pêche vénézuélienne est divisée entre une pêche commerciale, notamment de thons (54%), essentiellement pêchés dans le Pacifique, et une aquaculture qui permet d'exporter crevettes et crabes. Cette pêche se complète d'une pêche artisanale, parfois avec quelques élevages, autour d'espèces endémiques telles que le cachama, poisson très apprécié pour sa chair, originaire de l'estuaire de l'Orénoque et élevé en pisciculture et le pepitona, un mollusque de la famille des clams, que l'on trouve en quantité autour de l’île de Margarita et dans la péninsule d'Araya. Le Golfe de Paria et la mer des Caraïbes apportent d'autres espèces consommées localement comme la myxine, sorte d'anguille, le curvina ou tambour brésilien, le vivaneau, le maquereau et le crabe. Ces prises au chalut ou aux casiers sont débarqués dans les nombreux ports qui jalonnent le littoral vénézuélien, dans le golfe de Maracaïbo ou dans les ports de Puerto Cabello et de la Guaira. Cette pêche artisanale et destinée au marché local assure la subsistance et l'emploi d'une partie de la population. 3. Pêche de subsistance, locale et artisanaleÀ l'échelle des Antilles, les disparités sont également importantes. Dans les Grandes Antilles, Cuba, Haïti et la Jamaïque arrivent en tête, avec un total de prises compris entre 14 000 et 20 000 tonnes annuelles. Les Grandes Antilles affichent un total de 75 103 tonnes de captures en 2018. C'est évidemment bien en deçà des trois grands États pêcheurs de la zone que sont les États-Unis, le Mexique et le Venezuela. Cuba, malgré une baisse des ressources disponibles et une réglementation très stricte visant à limiter la surpêche a enregistré près de 23 000 tonnes de prises en 2018. La pêche est à la fois commerciale et artisanale et privilégie des espèces à forte valeur ajoutée comme le homard, la langouste ou les crevettes pêchées au chalut. Elle se complète d'une importante activité aquacole. L'élevage aquacole marin concerne la crevette blanche. Des expériences de mariculture sont en cours pour poursuivre l'effort de réduction de la pression sur la ressource, notamment pour l'élevage de l’huître de palétuvier. Plus généralement, la pêche cubaine est essentielle à l'alimentation des populations et se combine à des activités d'élevage dans les rivières et étangs du pays. En Jamaïque, comme dans de nombreuses îles des Petites et Grandes Antilles, la pêche contribue une nouvelle fois à assurer la sécurité alimentaire des populations et représente une source d'emplois pour les communautés côtières. Ainsi on estime qu'en Jamaïque, entre 40 000 et 100 000 personnes sont dépendantes de près ou de loin de cette activité. La pêche est avant tout côtière, bénéficiant de la riche biodiversité des récifs coralliens. Cette pêche emploie directement entre 15 000 et 20 000 personnes, dont notamment des femmes (6%). 16 000 tonnes de captures ont été enregistrées en 2018 qui viennent alimenter les populations locales, les Jamaïcains ont en effet une des consommations par habitant parmi les plus élevées des Amériques (22,2 kg par habitant entre 2013 et 2016 en moyenne). 21 % de la consommation est assurée par les prises locales, le reste de la consommation est évidemment importé pour une valeur totale de près de 116,6 millions de US$, les exportations ne représentant que 14,7 millions de US$ en 2017. Si l'activité est importante tant pour l'emploi que pour la sécurité alimentaire, elle n'est rien comparée à l'importance que revêt la pêche dans l'île voisine d'Hispaniola, notamment pour la partie haïtienne. Avec près de 24 550 bateaux, la pêche en Haïti est vitale. Elle contribue à assurer un tiers de la consommation du pays en poissons et crustacés. Haïti importe pour un total de 45 millions de US$ de produits de la mer et exporte pour un total de 9 millions de US$, essentiellement du homard et des crevettes. Ces exportations se font à destination du voisin le plus proche, la République dominicaine, pays touristique et marché de proximité providentiel. Mais cette pêche reste exclusivement artisanale et se pratique sur les 5 000 km² du plateau continental. Ce plateau continental dont la particularité est d'être étroit par endroit, limite la présence d'espèces démersales. Les ressources sont donc limitées et très dépendantes des fluctuations saisonnières et des fréquents séismes et ouragans qui viennent impacter les installations liées à l'activité de pêche. De plus, dans ce pays aux ressources limitées, le plus pauvre de la zone caraïbe, les mesures concernant la gestion de l'environnement ou des ressources sont loin d'être une priorité pour les populations, malgré les volontés gouvernementales de privilégier le développement d'une pêche durable. Les mangroves, milieux fragiles mais favorisant le développement des espèces et assurant la biodiversité, sont très dégradées en Haïti, limitant ainsi une nouvelle fois, l'apport de potentielles ressources marines supplémentaires. Cependant le pays a récemment mis en place des DCP (Dispositif de Concentration de Poissons) favorisant les captures d'espèces pélagiques. Les sites de débarque ont été améliorés, proposant des dépôts de glace et des circuits de transport permettant l'acheminement des prises vers Port-au-Prince à des fins d'export. Chez le voisin dominicain, la situation est bien différente. Avec 5 fois moins de pêcheurs et une consommation faible, à peine 9 kg par habitant et par an, la pêche est une activité secondaire qui ne participe qu'à hauteur de 0,3 % au PIB. En 2017, le total des prises s'élève à 18 266 tonnes, composées de langoustes, de lambis, de poissons démersaux et pélagiques. Cependant la hausse de l'activité touristique entraîne depuis quelques années, une hausse de la demande en produits de la mer, et les importations s'élèvent ainsi en 2018 à 185,5 millions de US$ contre seulement 14,8 millions de US$ d'exportations. Enfin à Porto Rico, les données étant très restreintes, on ne peut que faire mention des quantités pêchées et recensées en 2017, soit près de 64,7 tonnes, essentiellement composées de maquereaux, mérous, vivaneaux, sérioles, balistes et langoustes. L'ensemble a généré quelques 6,6 millions de US$ à la vente. Ces données lacunaires s'expliquent en grande partie par un recensement qui se fait auprès des autorités américaines et qui ne concerne que la pêche commerciale. De plus, les conséquences de l'ouragan Irma en 2017, outre la destruction de certaines installations portuaires, ont faussé les données. Assurément la pêche artisanale est également présente, mais plus encore, la pêche de loisir semble être de première importance dans l'île, puisque pour l'année 2017, ce sont près de 0,3 tonnes de captures qui ont ainsi été pêchées, et pour certaines d'entre-elles, relâchées. Dans les Petites Antilles, les situations sont également hétérogènes mais globalement, la pêche reste une activité avant tout artisanale. En 2018, le total des prises enregistrées s'élève à 36 773 tonnes, soit moins de la moitié du total des Grandes Antilles et seulement 2,5 % de la production caribéenne. Sur ce tonnage, un tiers est uniquement assuré par les pêcheurs de Trinidad-et-Tobago (13 176 tonnes en 2018). Les techniques de pêche restent artisanales, à la ligne, au casier, au filet, en plongée et les ventes se font très souvent à la débarque, sur les plages. Les quantités pêchées ne permettent pas de dégager des volumes suffisants pour l'exportation, la pêche alimente donc le marché local. Ainsi, à Antigua-et-Barbuda, second plus gros producteurs des Petites Antilles, avec un total de 3 165 tonnes de captures en 2018, la pêche est artisanale. Elle se pratique sur les quelques 3 500 km² du plateau continental et permet d'assurer des emplois (1 900 marins environ) et une sécurité alimentaire. L'essentiel des prises est composé d'espèces de récifs ou démersales, pêchés au filet maillant, à la ligne ou au casier. La pêche à la conque domine, suivie de celle de la langouste, généralement pêchée en plongée. Un tiers des pêcheurs se consacre à cette pêche qui alimente les marchés locaux et particulièrement le tourisme. Mais l'aléa climatique et plus particulièrement le cyclone Irma en 2017 a porté un coup majeur à l'activité, puisque la moitié des installations (réfrigération, fabrication de glace, débarque) a été détruite. Ces activités de pêche artisanale sont fortement dépendantes des conditions naturelles et des aléas climatiques. Du jour au lendemain des communautés de pêcheurs peuvent perdre leur outil de travail comme ce fut le cas durant la saison cyclonique 2020 où la quasi totalité des installations des îles colombiennes de pêcheurs de Santa Catalina, San Andrès et Providencia, au large du Belize ont été détruites. Les invasions de sargasses, fréquentes dans la zone Caraïbe et s'accentuant depuis ces dernières années constituent également une entrave à l'activité de pêche dans certaines îles. Dans les Antilles, la pêche est donc avant tout une activité artisanale vivrière, parfois commerciale, qui permet avant tout d'assurer aux populations locales une autosuffisance alimentaire. Elle fait également vivre les populations côtières et indigènes, assure une activité à une petite part des femmes et alimente les demandes des touristes. Souvent côtière, elle tend à favoriser la capture d'espèces à forte valeur ajoutée ou lorsqu'il s'agit d'alimenter les marchés locaux, de prises d'espèces communes de récif, couramment consommées par les populations locales, mais à moindre valeur ajoutée. 4. Poids de l'activité dans les économies localesDans de nombreuses îles, la pêche représente une activité importante pour les populations locales parce qu'elle contribue à assurer l'alimentation au quotidien, mais économiquement, son poids reste très restreint. Elle est particulièrement importante pour des pays comme le Suriname, les Îles Turques et Caïcos, le Guyana et Anguilla. Dans ces derniers, la production annuelle rapportée à la population totale dépasse les 50 kg par habitant et par an et permet donc de couvrir une partie des besoins annuels. A contrario, en République dominicaine, au Costa Rica, au Guatemala, en Colombie ou à Porto Rico, la production avoisine à peine les 1,4 kg par habitant et par an. Selon les types de pêches, le caractère industriel ou artisanal, la zone maritime dédiée à cette activité, les chiffres varient donc fortement. Prenons l'exemple de la Dominique où le total des captures permet d'assurer une consommation annuelle de 10,5 kg par habitant alors même que la consommation moyenne par habitant dans cette île est estimée à 30,5 kg. L'île importe pour près de 1,6 millions de US$ de produits de la mer et exporte des produits d'élevage tels que le tilapia ou la crevette. A l'inverse, au Guyana, les captures annuelles rapportées au nombre d'habitants s’élèvent à 52,2 kg alors même que la consommation moyenne par habitant est estimée à 30,8 kg. Les captures des pêcheurs guyanais peuvent donc permettre de dégager des excédents destinés à l'exportation. Dans la réalité, il faut cependant nuancer ces propos car les espèces pêchées le sont massivement pour l'exportation, les importations concernent donc fréquemment des espèces de moindre valeur mais de consommation locale courante. En effet, la région reste un important consommateur de produits de la meret le décalage est parfois important entre les tonnages des pêches et les consommations locales. Les Antilles néerlandaises illustrent cette situation paradoxale : à Curaçao, les pêcheurs capturent l'équivalent de 3 kilos de poissons et crustacés par habitant et par an alors que la consommation locale est estimée à plus de 30 kg/hab./an. La situation est identique à Aruba, avec respectivement 1,4 kg/hab/an de captures pour une consommation annuelle par habitant qui dépasse les 47 kg. Cet écart entre production et consommation s'explique en partie par le poids de la consommation touristique locale. Ce constat peut être fait dans de nombreuses îles antillaises comme Barbade, Antigua, les Caïmans ou bien encore la Guadeloupe et la Martinique. Pour l'économie locale, la pêche reste une activité secondaire participant à entre 0,01 % et 3 % du PIB national. Pour certains États comme le Belize ou le Surinam, les taux atteignent entre 2,5 % et 3 % en 2018. On peut s'interroger sur ces résultats qui apparaissent faibles, ils masquent en fait une réalité qui est autre : le système de calcul ne prend en compte que les produits des ventes directes à la débarque ou au producteur et non l'ensemble de la chaîne de valeurs qui est estimée selon la COPACO et la FAO à trois fois le chiffre annoncé, soit près de 9 % du PIB pour le Belize, par exemple. Il convient également de relever le fait qu'une grande partie de cette pêche, notamment quand elle est artisanale, passe au travers des mailles du comptage officiel. Vendues à la débarque, sur les plages, souvent sans être déclarées, ces captures ne sont pas comptabilisées dans les résultats officiels et parfois, cette économie parallèle difficilement chiffrable est une entrave à la mise en place d'une véritable gestion commune de la ressource. Plus généralement, les pays de la zone sont importateurs de produits de la mer et parfois en grande quantité. Outre la faible productivité des eaux qui ne permettent pas de dégager des volumes importants d'une seule et même espèce, les pêcheurs privilégient les captures à forte valeur ajoutée mais qui en terme de tonnages sont nettement moins importants, c'est le cas pour la langouste par exemple.
Tableau n° : Le poids de la pêche nationale rapporté à la population totale en 2018 et la consommation estimée de poissons et crustacés par habitant (estimations moyennes 2013-2016).
Sources : FAO, COPACO, Fisheries 2020, World Population 2018, ONU, Fisheries of the United States 2018, NOAA 2018.
Pour faire face à une pêche souvent de maigre qualité couplée fréquemment à une mauvaise gestion des ressources halieutiques allant jusqu'à la surpêche, l'aquaculture est une solution vers laquelle se sont tournés de nombreux pays de la zone Caraïbe. 5. Le poids de l'aquacultureL'aquaculture est une activité de complément qui prend le relais de prises médiocres ou insuffisantes pour combler les besoins des marchés locaux, et qui permet surtout de dégager des excédents pour l'exportation. Les espèces élevées sont souvent celles dont la valeur ajoutée est intéressante, telles que le homard, la langouste et les différentes variétés de crevettes. A cela, il faut ajouter des espèces moins nobles, telles que le tilapia, poisson d'élevage intensif, qui est particulièrement bien représenté dans les élevages aquacoles caribéens. L'exemple de Cuba illustre l'importance de l'aquaculture en tant qu'activité de complément et palliatif à une pêche en crise. En 2012, l'aquaculture cubaine représentait 53 % de la production totale des produits de la pêche. Pourtant, alors que la pêche cubaine s'était fortement développée entre 1935 et la fin des années 1960, rien ne permettait de prévoir cette forte croissance de l'aquaculture. En réalité, ce choix s'est imposé face à un appauvrissement des fonds marins, une raréfaction de la ressource, notamment sur le plateau continental, dans la zone des 0 à 200 mètres. Malgré les réglementations mises en place, les quotas imposés par l’État cubain, les zones de protection instaurées dans les limites de la ZEE, les captures marines baissaient depuis les années 1980. Cette raréfaction de la ressource s'explique par la baisse des apports en nutriments liée notamment aux grands chantiers de construction de barrages et à la baisse de l'utilisation des engrais en agriculture. La solution s'est donc imposée, développer l'aquaculture, notamment pour l'élevage d'espèces à forte valeur ajoutée, telles que les crevettes, le homard et la langouste, ces deux derniers restant toutefois pêchés majoritairement au casier. Cette complémentarité entre pêche traditionnelle et aquaculture a permis de maintenir le secteur, de le moderniser et dans le même temps de développer les exportations, tout en assurant l'alimentation du marché local en produits de la mer. Outre Cuba, les pays pour lesquels l'aquaculture s'est fortement développée depuis ces dernières années dans la zone ne présente a priori pas de profils particuliers. Qu'il s'agisse des États continentaux (États-Unis mis à part), des grandes ou petites Antilles, les situations sont variées mais l'élément commun dominant reste le choix des espèces élevées. Majoritairement, les espèces d'élevage sont les crevettes et le tilapia. Peu contraignantes et pouvant donner lieu à des élevages massifs et rentables, ces deux types de production sont également très prisées pour l'exportation, les demandes étant fortes. Le pionnier dans la zone fut le Costa Rica, lequel a produit en 2017, quelques 20 800 tonnes de produits aquacoles. Il est depuis dépassé par le Honduras avec plus de 70 400 tonnes en 2017, tous deux largement dépassé par le Mexique avec près de 243 300 tonnes pour cette même année. Ces grands États masquent avec leurs énormes productions des cultures modestes, notamment dans les îles, comme en Dominique, en République dominicaine, en Haïti ou à Sainte-Lucie. Si ces productions aquacoles sont encore très limitées, elles viennent avantageusement compléter des captures faibles et permettent d'augmenter la contribution des produits de la mer à l'autosuffisance alimentaire de ces îles.
Tableau n°2 : récapitulatif des types de pêches dans le bassin caribéen. (2017)
Sources : FAO, 2021, données 2017.
*Remarque : Certains États ne donnant pas accès à leurs données, seuls les pays renseignés sont présents dans le tableau ci-dessus.
6 - Zoom sur les Antilles françaisesLa pêche dans les Antilles françaises est avant tout une activité artisanale qui a pour vocation d'alimenter les marchés locaux et l'industrie du tourisme. Les deux îles regroupent quelques 2 037 pêcheurs (2018) pour un total de navires de 1 649 embarcations. Ce sont avant tout des yoles de mer ou des barques avec moteur de moins de 12 mètres qui sont utilisées pour pratiquer une pêche côtière à la journée. La pêche à vocation commerciale, industrielle est très limitée et ne permet pas de dégager suffisamment de volumes pour s'abstraire d'importations massives de produits de la mer. L'aquaculture ne permet pas non plus de compenser les faibles quantités pêchées. 6.1. Une pêche artisanale et familialeLa pêche est une pratique familiale et artisanale. Les unités de pêche appartiennent à des entreprises familiales mais qui sont, de fait, relativement fragiles économiquement et qui peinent à se renouveler, à trouver des successeurs. Peu structurée, l'organisation même de cette pêche artisanale permet de transmettre des savoir-faire, des pratiques sociales et culturelles et de maintenir un tissu associatif actif. 62 % des embarcations pratiquent une pêche de proximité, le long des côtes à l'aide de petites embarcations de moins de 12 mètres. Elles pêchent au filet maillant, à la palangre ou au casier et alimentent le marché local. Les espèces majoritairement pêchées sont les suivantes : poisson chat, poisson perroquet, poisson volant, carangue, gorette, coulirou, balaou, thon, vivaneau, dorade coryphène, marlin ou mérou. A ces espèces très variées, il faut ajouter les lambis et les langoustes. Ces prises sont commercialisées à la débarque ou dans les marchés locaux et servent à assurer les consommations locales des résidents et touristes. 6.2. Les limites au développement d'une pêche commercialeLa pêche est limitée dans une pratique de proximité, artisanale et familiale pour de nombreuses raisons qui, cumulées, freinent le développement d'une pêche commerciale. Quelques navires pêchent en haute-mer mais l'activité est très limitée, seulement 9 % des navires guadeloupéens ou martiniquais pratiquent une pêche en haute-mer, au-delà des 12 milles. La majorité des navires ainsi que les techniques couramment employées ne sont pas adaptées à ce type de pêche. De même, les infrastructures à terre permettant de gérer, conditionner et commercialiser des volumes de captures conséquents sont inadaptés et insuffisants. Ajoutons à cela, un manque de circuit de commercialisation et un manque de structuration forte des activités permettant d'être compétitif à l'international, la pêche commerciale est encore loin de pouvoir se développer dans des conditions optimales permettant de stabiliser la balance import-export, et plus encore de dégager des excédents. A l'heure actuelle, les importations de produits de la mer dans les deux îles représentent entre 70 et 90 % des besoins en consommation. Si les autorités locales soutiennent et encouragent le développement de cette partie de la filière, les politiques de la pêche européennes sont un frein certain. En ne tenant pas compte des spécificités de ces bassins maritimes, des pratiques, des modes de pêche, des consommations locales, et plus généralement de la spécificité de la mer des Caraïbes en terme de ressources disponibles, les pêcheurs de Martinique et de Guadeloupe se voient contraints à pratiquer une pêche majoritairement artisanale. Les tentatives de développement de l'aquaculture sont balbutiantes avec moins de 4 entreprises aquacoles. Concentrées sur l'élevage du « Loup des Caraïbes » appelé également « ombrine oscellée », cette culture marine est fortement dépendante des larves élevées par l'IFREMER. Peu rentable et soumise à de nombreux vols, l'activité est sous-développée et loin de produire les quantités estimées par l'IEDOM de 300 tonnes annuelles. La pêche est également fortement dépendante des aléas climatiques, notamment des cyclones, mais aussi des pollutions d'origine anthropique qui obligent les autorités locales à limiter l'accès à certaines zones de pêche, comme celles présentes sur la côté atlantique de la Martinique, zone interdite à la pêche pour cause de pollution au chlordécone. Enfin, le risque peut également venir de la mer, c'est le cas avec les invasions récentes de sargasses. Ces dernières entravent le développement de certaines espèces et vont jusqu'à empêcher la sortie des navires des ports de pêche antillais.
Carte n°2 : La pêche en 2017-2018 : Volumes des prises rapportées à la population totale du pays
Sources : Fao, COPACO, Fisheries 2020, World Population, ONU, Fisheries of United states 2018, NOAA 2018, US Census 2018.
La pêche dans la bassin caribéen est pour nombre de pays, au stade artisanal. Elle permet d'assurer l'alimentation des populations locales, de remplir les besoins de consommation touristique, même partiellement, et de maintenir des emplois. Cette situation est particulièrement vérifiée dans les Petites Antilles. Dans les autres îles, comme Cuba ou Haïti, outre le fait d'être vivrière, la pêche génère des échanges qui permettent l'apport de devises. L'élevage aquacole, même d'espèces de maigres qualités comme le tilapia, vient compléter les prises marines et permet de dégager des excédents à l'exportation tout en assurant l'alimentation des populations locales. Dans les pays de l'isthme, la pêche dans la zone caribéenne est aux mains de trois pays principalement, les États-Unis, le Venezuela et le Mexique. Ces prises se complètent de produits issus de l'élevage aquacole notamment les espèces à haute valeur ajoutée, telles que langoustes, homards ou crevettes. Plus généralement, les espèces capturées sont très diverses et dépendent des types et zones de pêche. Majoritairement constituées d'espèces de récifs, démersales ou pélagiques, dont les thons, mérous, marlins, sardines, dorades coryphènes, vivaneaux et conques, les prises varient fortement d'un pays à l'autre. Mais au final, ces prises ne représentent que 2 % du total mondial des captures, et les productions aquacoles, seulement 1 %. La mer des Caraïbe offre une diversité d'espèces mais ne permet pas de dégager des volumes suffisamment massifs pour permettre de lever la dépendance aux importations. C'est également une zone fortement dépendante des conditions climatiques, notamment des épisodes cycloniques. Les menaces sur l'activité trouve depuis quelques années une illustration forte dans les invasions récurrentes de sargasses qui deviennent une véritable entrave au maintien de l'activité. Peu structurée, l'activité souffre également d'un manque réel de connaissance sur la ressource. La configuration même de la zone et les nombreux États qui la compose ne pousse pas à développer une politique commune alors même que cette perspective pourrait permettre le développement d'une gestion plus raisonnée des ressources et une lutte commune contre les risques potentiels. Haut |
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