ÉCONOMIE
 
Les Etats du Bassin Caribéen face au nouveau contexte pétrolier mondial

L'année 2014 constitue l'année charnière pour le secteur pétrolier mondial. Après être demeuré supérieur à 100 dollars le baril depuis plusieurs années, le prix du pétrole a brusquement chuté de plus de 50 % durant l'année 2014 et demeure depuis aux alentours de 40 dollars !! Ce contre choc pétrolier est encore plus soudain que celui de 1982 et présente des caractéristiques différentes. Ses conséquences géopolitiques et géo-économiques sont considérables. Comme toutes les régions, le Bassin Caribéen est affecté à double titre ; d'une part, il renferme des pays exportateurs d'hydrocarbures (Venezuela, Mexique, Colombie, Trinidad) qui voient s'effondrer leurs rentrées de devises ; d'autre part, l'Amérique Centrale, les Guyanes et les Antilles enregistrent une sérieuse baisse du coût de leurs importations pétrolières.

Cet article s'efforcera d'analyser, à grands traits, la nouvelle situation énergétique caribéenne après avoir, dans un premier temps, traité la situation nouvelle du marché pétrolier mondial ; nous insisterons sur l'essor des hydrocarbures de schistes aux États-Unis qui a entraîné la décision de l'Arabie Saoudite de ne plus, comme à l'accoutumée, régulariser le marché en ajustant sa production aux besoins mondiaux.

En conclusion, il s'agira d'élargir le sujet en évoquant la position caribéenne face à la politique de transition énergétique que voudrait imposer la conférence COP 21 de décembre 2015 à Paris.

1. Un marché mondial bouleversé

1.1 Le contre-choc pétrolier  

Le graphique n°1 montre la chute brutale du prix du baril en quelques mois à la fin de 2014. Depuis 40 ans, le prix de vente du pétrole oscillait entre 80 et 140 % du prix marginal de production ; or une étude portant sur 400 projets pétroliers montre que la moitié d'entre-eux ont un coût d'extraction de 70 dollars le baril et tous dépassent le coût de 50 dollars. Il nous faut examiner les deux volets du marché mondial : l'offre et la demande.

Figure n°1 : Production de pétrole aux États-Unis et évolution du prix mondial du baril
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1.2 La faiblesse de la demande mondiale   

Le fait majeur est le ralentissement du moteur mondial qu'est devenue la Chine depuis deux ans ; elle est le plus gros consommateur mondial d'énergie, de minerais et de matières agricoles ; la baisse des achats chinois perturbe un nombre d'économies sur tous les continents ; De plus, les pays membres de l'OCDE tardent à retrouver la croissance de ces dernières années, qu'il s'agisse de l'Amérique du Nord ou des pays européens.

1.3 Une offre importante grâce aux hydrocarbures de schiste

1.3.1 La fracturation hydraulique permet un nouvel âge d'or pour l'or noir aux États-Unis

Figure n°2 : Schéma de la fracturation hydraulique
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Cette nouvelle technique permet de récupérer gaz et pétrole situés au sein des roches schisteuses. Il s'agit de fracturer la roche en injectant à très forte pression un mélange d'eau, de sable et de produits chimiques. Une fois la roche fracturée, le mélange est pompé ; le sable introduit garde les fractures ouvertes permettant au gaz ou au pétrole d'être libérés et de remonter par la pression, à la surface des puits. L'eau d'injection doit être traitée avant d'être réinjectée (il faut 10 000 à 20 000m3 d'eau par puits), car elle contient du sel et des métaux lourds. Le gaz nécessité d'être stocké puis transporté vers les lieux de consommation. Les puits forés doivent être nombreux et leur durée d'exploitation semble plus courte que celle des puits conventionnels. Les forages traversent les nappes phréatiques qui risquent d'être contaminées. La fracturation entraîne de nombreux mini-séismes qui, dans une région densément peuplée, peuvent être fort préjudiciables. Ces puits sont gourmands en eau, même si une grande partie est réutilisée ; mais le traitement des produits chimiques utilisés ouvre la possibilité de graves pollutions. Devant l'abondance des terrains schisteux dans le monde, certains ont cru à un nouvel âge d'or pétrolier. Si ces hydrocarbures non conventionnels ont transformé la situation énergétique des États-Unis, ils sont extraits de régions peu peuplées (Dakota du Nord, Texas, Nouveau Mexique). En Europe, les réticences sont très fortes face à une possible exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels. En France, les pouvoirs publics ont interdit tout forage de ce genre ; en Grande-Bretagne, si le gouvernement y est favorable, les oppositions de l'opinion publique entravent les premières explorations. En Pologne, les premiers sondages ont été décevants. Hors d'Europe, l'Argentine a détecté un énorme gisement potentiel en Patagonie. L'Algérie explore sa partie méridionale et la Chine, avide d'énergie, commence à s'intéresser à ces schistes.

Actuellement, les États-Unis sont les seuls à bénéficier de l'extraction de ces hydrocarbures de schistes, différents des schistes bitumeux de l'Alberta canadien exploités à ciel ouvert.

Le statut juridique du sous-sol des États-Unis fait qu'il appartient au propriétaire du sol, alors qu'en Europe et dans de nombreux pays, le sous-sol appartient à l’État. L'essor des gaz et pétrole de schiste aux États-Unis a fait ainsi de nombreux millionnaires dont la réussite estompe les dangers écologiques de cette activité.

1.3.2 Les États-Unis bouleversent le marché pétrolier mondial

Depuis une décennie, les États-Unis ont acquis un nouveau statut sur ce marché. Longtemps premier consommateur mondial d'énergie et premier importateur d'hydrocarbures, ce pays avait organisé le marché en partenariat avec l'OPEP et plus particulièrement avec l'Arabie Saoudite. Désormais, les États-Unis vivent à court terme leur autosuffisance énergétique !! Depuis 2010, leur production pétrolière a crû de 56 % (de 333 à 520 millions de tonnes) et celle de gaz a augmenté de 20 % (de528 à 728 milliards de m³), ce qui place les États-Unis, en 2015, au premier rang des producteurs d'hydrocarbures ; en conséquence, leurs importations ont chuté de 30 à 11 % de leurs besoins, les libérant ainsi en grande partie des achats dans les pays du Golfe et en Arabie Saoudite ; de cette dernière, les États-Unis achètent trois fois moins de pétrole que de leur voisin canadien.

Cette hausse de production a rendu bon marché le prix du gaz, ce qui permet de revitaliser les industries chimiques et pétrochimiques sur le territoire américain. Récemment, les États-Unis ont décidé d'exporter du gaz naturel liquéfié. Les cinq projets d'usine de liquéfaction prévus dans le Golfe du Mexique permettraient aux Etats-Unis, vers 2025, d'égaler en capacité le Qatar, le première exportateur mondial de GNL.

1.4 L'Arabie Saoudite et la guerre des « cheiks contre les schistes »

Le prix de vente du pétrole découle des rapports entre l'offre et la demande mondiales. Jusqu'en 2014, ce marché avait la particularité d'avoir un pays régulateur ; l'Arabie Saoudite, premier producteur mondial, détenant les secondes réserves d'un pétrole facile à extraire (4 à 5 dollars le coût d'extraction) et principal membre de l'OPEP qui détient près de la moitié des réserves mondiales, assumait ce rôle d'équilibrer les prix entre les exigences à la hausse de ses partenaires et la volonté de freiner les prix des pays consommateurs, regroupés dans l'Agence Internationale de l'Energie (AIE). Cette situation découlait de l'accord passé en 1945 entre le  Roi Ibn Saoud et le Président Roosevelt. Les États-Unis étaient le garant stratégique de la dynastie saoudienne, moyennant quoi celle-ci s'engageait à garantir un approvisionnement sûr à un prix équitable pour les États-Unis qui, à partir des années 1960, importèrent de plus en plus de brut du Moyen-Orient.

Or depuis peu, cet accord géostratégique et géo-économique, sans être remis en cause, ne fonctionne plus avec la même vigueur. L'instabilité géopolitique du Moyen-Orient s'est enrichie de conflits complexes. Le premier tenait aux interminables discussions entre les 5 membres du Conseil de Sécurité et l'Iran, afin de bloquer à ce dernier pays, l'accès rapide à la technologie nucléaire militaire. L'accord conclu en juillet 2015 sur ce point inquiète l'Arabie Saoudite. Celle-ci est le rival régional implacable de l'Iran qui, de plus, est aussi un ennemi religieux. L'Arabie Saoudite est le berceau du Whahabisme, version salafiste du sunnisme qui estime que le chiisme dont l'Iran est la patrie, est une hérésie. Or, les deux adversaires irréductibles se retrouvent face à face, par milices interposées, dans les nombreux conflits de Syrie, d'Irak, du Yémen et du Liban. La relative timidité de la politique américaine dans ces conflits a déplu à l'Arabie Saoudite, d'autant plus que les pays occidentaux et la Russie s'efforcent de combattre l’État islamique en Irak et en Syrie dans une vaste coalition qui n'exclut pas l'Iran.

En ce qui concerne le pétrole, l'Arabie Saoudite n'a pas voulu cette fois, jouer le rôle habituel de régulateur du marché qui aurait empêché le prix de baisser. L'Arabie Saoudite a choisi de contrer l'apport des hydrocarbures de schiste américains. Grâce à leurs confortables réserves de devises, l'Arabie Saoudite et les pays du Golfe (Quatar, Koweit, EAU) peuvent supporter une chute brutale de leurs recettes pétrolières, alors que leurs adversaires Iran et Irak, souffrent du manque à gagner ; il en est de même de nombreux pays exportateurs de pétrole (cf schéma n°3). La solidarité de l'OPEP est ainsi rompue et sa dernière réunion du 04 décembre 2015 a confirmé sa politique de bas prix. Possédant d'énormes réserves de pétrole extrait à bas coût (4 à 5 dollars le baril), l'Arabie Saoudite pense, par sa politique, rendre non rentables les puits d'hydrocarbures de schiste dont le coût , après avoir bien baissé, avoisine 45 à 50 dollars le baril. Aux États-Unis, les puits les moins rentables ont été fermés ; les petites entreprises ont été rachetées par de plus puissantes ; au niveau des sociétés pétrolières, de nombreux projets ont été annulés ou reportés et les investissements dans l'exploration ont fortement fléchi, entraînant une grande crise des principales entreprises para-pétrolières. A 40 dollars le baril, sont menacés les projets dans l'offshore ultra-profond,du Brésil et du Golfe du Mexique, mais aussi les projets arctiques russes, norvégiens et canadiens.


Figure n°3 : Prix du baril en 2015 et équilibre des comptes publics des pays exportateurs de pétrole
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La baisse des recettes pétrolières affectent de nombreux pays exportateurs. L'Arabie Saoudite elle-même, connaît pour la première fois un déficit de 120 % de son budget, mais cela n'entame guère ses 750 milliards de dollars de réserves en devises !

1.5 Situation actuelle : choc conjoncturel ou structurel ?

Ce bras de fer entre les pays pétroliers riches (Arabie Saoudite et pays du Golfe) et les autres peut-il durer ? La carte du schéma n°4 montre que la production est dominée par trois acteurs : l'Arabie Saoudite, les États-Unis et la Russie. Le premier a même promis s'il le fallait, d'abaisser le cours du pétrole jusqu'à 20 dollars !! Le second a à peine ralenti sa production en fin d'année 2015 et la Russie s'acharne, par des rabais, à conserver ses parts de marché. Iran et Irak veulent augmenter leurs ventes.

Quant aux pays consommateurs, ils bénéficient de la situation actuelle, la baisse du prix du baril a opéré un énorme transfert d'argent à leur profit (plusieurs milliards de dollars par jour) à un moment où ils apprécient d'abaisser leurs factures énergétique pour relancer leur économie essoufflée.

Un récent rapport de l'AIE (Agence Internationale de l'Energie) avance l'hypothèse que , d'ici 2040, le monde comptera 2 milliards d'habitants de plus et que la consommation mondiale d'énergie augmenterait de 37 % !! Ce même rapport estime que la pénurie d'énergies fossiles ne menace pas, car une large part de cette augmentation proviendrait des énergies renouvelables. Il stipule aussi que 60 % de cette hausse proviendrait de la Chine et de l'Inde, le tout envisageant une augmentation de la température terrestre de 3°C avec une forte hausse des émissions de gaz de serre.

Figure n°4 : Cours du brut en 2015 et principaux pays producteurs de pétrole
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Or la Conférence COP 21 qui s'est tenue à Paris en décembre 2015 cherchait un accord global pour limiter à 2 degrés l'élévation de la température terrestre d'ici 2030. C'est un objectif en contradiction flagrante avec la situation d'un pétrole bon marché. Le relais des énergies renouvelables tarde à se mettre en place et demeure fort coûteux. L'avenir proche des hydrocarbures n'est pas menacé et les hydrocarbures de schistes semblent y tenir désormais leur rôle. Le futur prix du pétrole est à rechercher dans un nouvel équilibre du marché entre des pays consommateurs dont les plus gourmands seront asiatiques et des pays producteurs dont la capacité d'exportation dépendra autant de facteurs géopolitiques que de critères économiques, tout en prenant en compte la dégradation écologique rapide de l'atmosphère terrestre.

2. Les États caribéens et le contre-choc pétroliers

2.1 La souffrance des pays pétroliers caribéens : la production s'essouffle et les débouchés extérieurs se dérobent

2.1.1 La profonde crise politico-économique du Venezuela

Le régime « bolivarien » mis en place par Chavez a de plus en plus de mal à gérer une situation politique qui voit le Président Maduro en rupture totale avec une opposition qui vient de gagner les élections législatives. L'économie du pays connaît une très forte inflation, les pénuries se multiplient. Les recettes pétrolières ont fortement baissé alors qu'elles constituent l'essentiel des recettes de l’État qui les utilise pour sa politique sociale de subventions. Assis sur les premières réserves mondiales de pétrole, la compagnie d’État dirigée par un général voit sa production baisser (-13 % de 2000 à 2014), néglige les investissements dans ses raffineries, obligeant le pays à importer du carburant !

Tous les secteurs économiques sont en crise et le pays dépend financièrement des prêts chinois qu'il tente d'honorer par des livraisons de pétrole. Le pays importe l'essentiel de ce qu'il consomme. Le durcissement idéologique du gouvernement s'oppose vigoureusement à un secteur privé de plus en plus restreint et entravé, alors que les militaires gèrent des secteurs entiers de l'économie. A la différence des années 1975-1982 durant lesquelles le pays avait su tirer parti du pétrole cher pour diversifier son économie, la première décennie du XXIème siècle a dilapidé l'héritage industriel en sous-capacité notoire ; les réserves de change s'épuisent ce qui pourrait conduire le pays à un défaut de paiement public. Le Venezuela est désormais « l'homme malade » de l'Amérique latine.

Le Schéma n°3 montre qu'il faudrait un pétrole à 160 dollars le baril pour équilibrer le budget vénézuelien, alors que le prix actuel est inférieur à 40 dollars !

2.1.2 Le Mexique : fortement dépendant des États-Unis

Le Mexique est intégré dans l'ALENA (Accords de Libre Échange de l'Amérique du Nord) et importe la moitié de ses besoins des États-Unis vers lesquels il exporte 80 % de ses ventes. Au plan pétrolier, la PEMEX a perdu récemment son monopole d'État afin de relancer l'exploration. La production a reculé de 20 % depuis 2000 et l'essor de la consommation intérieur abaisse d'autant le surplus exportable ; le Mexique doit importer la moitié de ses besoins en carburants du fait de l'insuffisance de ses raffineries. Les conséquences de la baisse des recettes pétrolières sont atténuées par l'importance du tourisme étranger, la masse des envois financiers par les émigrés et le dynamisme des exportations de produits manufacturés qui profitent du bas coût de la main-d'œuvre et de l'intégration dans l'énorme marché nord-américain.

La situation du Mexique reste toutefois fragile de par l'insécurité publique engendrée par l'ampleur des narcotrafics qui gangrènent la majorité du territoire national.

2.1.3 Colombie : une économie diversifiée

La situation de la Colombie s'apparente, en moins grave, à celle des deux pays précédents. Dépendante de ses exportations de matières premières (charbon, minerais divers, pétrole), elle a su diversifier son industrie et son agriculture est beaucoup plus solide que celle du Venezuela qui vient de fermer leur frontière commune. Toutefois la trêve actuelle entre le gouvernement et la guérilla des FARC reste fragile et contestée par l'opposition.

Quant à l'île de Trinidad, exportateur de GNL (Gaz Naturel Liquéfié) et de produits pétrochimiques aux États-Unis, elle voit ces débouchés se restreindre par l'essor des gaz de schiste chez son principal client.

2.2 Une aubaine pour les pays importateurs d'hydrocarbures ?

Les États caribéens ont adopté un style de vie à l'américaine avec recours massif à l'énergie, avec peu de soucis de l'économiser ni d'en diversifier la source. Les profondes inégalités sociales de ces États accroissent les contrastes entre les populations équipées (grandes villes) et les populations délaissées (bidonvilles et régions rurales). La forte dépendance énergétique caribéenne à l'égard des hydrocarbures fait que le prix actuel du pétrole allège fortement le coût des importations de brut et de produits pétroliers des pays d'Amérique Centrale, des Guyanes et de l'ensemble des Antilles (à l'exception de Trinidad). Toutefois, les nombreux bénéficiaires du plan Petrocaribe alimenté par le Venezuela, s'inquiètent de la pérennité d'un système qui est menacé par la défaillance possible du donateur et la marge de plus en plus étroite entre le prix Petrocaribe et le prix du marché. D'autre part, les pays d'Amérique Centrale pâtissent de la baisse des prix mondiaux de leurs exportations agricoles (banane, café, coton) et minières (métaux non-ferreux).

Ce sont les petites îles touristiques et les paradis fiscaux qui profitent au mieux de cette conjoncture énergétique qui améliore leur balance des comptes.

2.3 Des bilans énergétiques caribéens variables mais éloignés de la transition énergétiques

2.3.1 Les médiocrités électriques

Le niveau de consommation électrique par habitant est éloquent sur l'hétérogénéité caribéenne. Sur la bordure continentale, seuls le Venezuela et la Guyane Française dépassent les 3 000 kwh annuels par habitant (France > 4 000 kwh). Trois Etats dépassent 1 800 kwh : Mexique, Costa Rica et Panama, la Colombie frôle les 1 200 kwh tandis que le reste de l'Amérique Centrale reste à un niveau inférieur à 1 000 kwh, le Nicaragua n'atteignant pas les 500 kwh.

Dans les Antilles, la forte fréquentation touristique favorise la consommation électrique dans de nombreuses petites îles : Antilles hollandaises, Îles Vierges américaines et britanniques, Bahamas, Caïmans, Antilles françaises, Barbade. Mais les grandes Antilles souffrent de graves déficiences électriques ; Puerto Rico, mais surtout Cuba, la Jamaïque, la République Dominicaine et Haïti connaissent de fréquentes coupures qui entravent leur développement et perturbent la vie des habitants.

Pays continentaux comme insulaires ont donc un recours massif au fuel pour produire leur électricité. Toutefois, les premiers sont loin de négliger l'hydroélectricité favorisée par leur topographie et la présence de fleuves nombreux et puissants : le degré d'équipement du potentiel hydraulique varie de même que la proportion d'électricité hydraulique dans la production totale électrique ; elle dépasse 70 % au Costa Rica, Colombie, Venezuela, Bélize, oscille entre 40 et 60 % au Panama, en Guyane Française et au Honduras pour s'abaisser à 9 % au Nicaragua. Malgré de fréquents barrages, le Mexique a mis l'accent sur de nombreuses centrales à gaz.

Les réseaux électriques caribéens sont insuffisants en extension comme en qualité. Ils sont rarement interconnectés, opération peu facilitée par le grand nombre d'îles. A ces qualités techniques trop souvent défaillantes s'ajoute la difficulté pour les autorités publiques à faire payer ce qui est consommé ; l'argent manque pour les investissements pour des réseaux aériens très sensibles aux catastrophes naturelles régionales (cyclones, séismes) et qui décorent les rues (cf. Haïti) d'écheveaux de fils entremêlés entre les habitations qui ont la chance d'être branchées légalement ou illégalement.

2.3.2 Le faible recours aux énergies renouvelables

On peut s'étonner que dans ces pays tropicaux ventés et fortement ensoleillés, les énergies renouvelables ne soient pas plus développées, à l'exception du Costa Rica. Ce dernier produit l'essentiel de ses besoins électriques à partir de l'hydraulique ( 77%) de l'éolien (10%) et de la Géothermie (13%). C'est sans doute dans les Antilles que sont faits les plus gros efforts tant dans l'éolien que dans le photo-voltaïque. L'installation de formes éoliennes dans des îles très peuplées se heurte à de nombreux obstacles, en dehors de leur coût et de l'obligation de subventionner l'énergie qu'elles génèrent. Les réticences tiennent à l'exiguïté des terres agricoles, la pollution visuelle des éoliennes au sein de paysages valorisés pour attirer le tourisme, la fragilité des matériels face aux aléas climatiques (corrosion, cyclones, séismes). Toutefois, l'éolien progresse et les panneaux photo-voltaïques habillent de plus en plus les toitures. La Guadeloupe (cf. carte n°1) constitue une bonne illustration de la transition énergétique antillaise ;

Carte n°1 : Bilan énergétique de la Guadeloupe
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Cet article confirme de nouveau combien les hydrocarbures constituent une matière première fondamentale dans la vie du monde. Son marché mondial est dominé par des facteurs géo-stratégiques et géopolitiques qui ont toujours pesé autant, si ce n'est plus que les critères économiques. Dans un monde assoiffé d'énergie, les hydrocarbures constituent un moyen de pouvoir autant pour ceux qui les consomment que pour ceux qui les possèdent. Les États du Bassin Caribéen n'échappent pas à cette logique d'autant pus implacable qu'ils sont dans une forte dépendance des États-Unis. Ceux-ci sont leur principal client pour ceux qui en ont à vendre et ils sont les voisins immédiats de l’État qui demeure encore la première puissance mondiale.

La situation pétrolière mondiale actuelle aurait tendance à diminuer le différentiel énergétique des pays caribéens ; les vendeurs d'hydrocarbures souffrent du bas prix du brut, lequel soulage la balance des comptes des importateurs, les plus nombreux dans la région. Celle-ci a à peine entamée sa transition énergétique, thème essentiel de la COP 21, conférence sur l'avenir écologique de la planète tenue à Paris en décembre 2015. L'accord qui en résulte demande à être validé par les différentes assemblées nationales. Le prix actuel du pétrole ne peut que contrarier cette transition énergétique recommandée par les experts et inscrite dans l'accord de la COP 21. Les recettes pétrolières ont une telle importance pour les pays exportateurs que la substitution des énergies renouvelables aux énergie fossiles semble beaucoup plus accessible aux pays développés qu'aux autres, d'autant plus que les premiers ont une responsabilité majeure dans la situation climatique actuelle. Au sein de cet engagement planétaire pour réduire les émissions de gaz carbonique et limiter le réchauffement du globe, les États caribéens ne sont pas en tête ; mais tous, en particulier les petites îles s'efforcent d'engager cette transition énergétique en développant éoliennes et panneaux photo-voltaïques dans un environnement climatique où vent et soleil sont généreux.

Sources :
BP Statistical energy statistics
ADEME
Images économiques du Monde, A. Colin, 2016
Bilan économique du monde 2014
Atlaséco 2014
Le Monde : supplément éco et entreprises
Le Figaro : supplément Figaro économie
Auteur : Jean-Pierre Chardon

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