Développement et protection du littoral des Petites Antilles (2007)
L'exemple martiniquais
La Martinique est une île de 1 100 km2 située dans les Petites Antilles. Sa population est estimée (début 2007) à 400 000 personnes. Avec une densité supérieure à 360
habitants/km2, se pose d'emblée la question de la pression humaine sur ce petit territoire insulaire. Sur une île où aucun point n'est éloigné de plus de 12 km de la mer, les
littoraux qui accueillent une bonne partie des hommes et des activités subissent inévitablement une forte pression. Mais, par-delà cette constatation, c'est la limite même de ce que l'on
considère comme espaces littoraux en Martinique et d'une façon générale dans les Petites Antilles qui se trouve posée. Cette question est une forte question pour l'ensemble des îles de la
Caraïbe, l'exemple présenté dans cet article est la Martinique, mais toutes les questions posées sont transposables et valent pour les autres îles.
L'influence de la mer concerne la totalité du territoire. Pourtant, l'ensemble du territoire martiniquais ne peut être confondu avec le littoral. L'environnement, le paysage ou même
l'ambiance de Saint-Pierre ou de Fort-de-France n'ont rien à voir avec ceux d'une commune de l'intérieur de la Martinique. La simple vision, l'usage plus ou moins régulier de
l'espace marin ou encore la proximité (toute relative !) de la mer pourraient sans doute nous aider à définir plus précisément les limites du littoral martiniquais, que l'on ne peut
confondre de toutes les façons avec le bord de mer.
Le littoral martiniquais est aujourd'hui un espace largement convoité, ce qui ne va pas sans poser le problème du respect de l'environnement et de la compatibilité des activités entre
elles.
1. Une forte mais inégale concentration de la population sur le littoral
La grande majorité des bourgs martiniquais se situent à proximité immédiate de la mer. En effet, bon nombre de bourgs se sont implantés au débouché d'un fleuve, au creux d'un vallon
côtier ou d'une ravine, entre deux ensembles de côtes à falaise. C'est le cas par exemple des Anses d'Arlet, de Saint-Pierre ou encore du Lorrain. Par ailleurs, d'autres bourgs
comme ceux du Lamentin, de Rivière-Salée ou du François, situés dans les rares plaines côtières que compte la Martinique, se sont développés à l'origine en arrière de la mer, pour
s'arrimer sur un socle rocheux et sont reliés à l'espace marin par un bras d'eau plus ou moins aménagé, traversant mangroves et zones inondables. Signalons également que les
contraintes topographiques ont joué un grand rôle dans la localisation des bourgs martiniquais. Les principaux massifs orographiques, difficilement habitables, des Pitons du Carbet et de la
Montagne Pelée, ont renvoyé à leur périphérie les implantations humaines.
Par-delà ces contraintes naturelles, la colonisation et la mise en valeur de la Martinique à partir de la bande littorale,
l'extraversion de l'économie et l'importance du cabotage jusqu'à une époque relativement récente favorisèrent également le développement des concentrations humaines littorales.
Cependant, malgré cette concentration de la population sur le littoral martiniquais, il est possible de mettre en évidence une
forte opposition des densités littorales entre, d'une part le Nord peu peuplé, et d'autre part, le Centre et le Sud de la Martinique qui le sont beaucoup plus. Cette opposition reflète la
polarisation exercée par l'agglomération foyalaise. Le littoral de Grand-Rivière ou même de Saint-Pierre appartenant au croissant périphérique nord de la Martinique se montre bien moins
dynamique que celui du Robert ou Sainte-Luce évoluant dans l'orbite foyalaise. Signalons par ailleurs que l'accentuation de l'occupation du littoral a des conséquences paysagères
importantes d'autant que le relief, souvent pentu, accentue la mise en exposition de l'urbanisation.
2. Les activités présentes sur le littoral martiniquais
Les activités présentes sur le littoral martiniquais sont nombreuses et variés. Elle témoigne du potentiel de développement de cet espace spécifique.
Les activités portuaires se concentrent essentiellement dans la baie de Fort-de-France. Le port de Fort-de-France, comme de
nombreux ports dans le monde, a subi une séparation progressive entre les activités portuaires et la ville dans la seconde partie du XXe siècle. Aujourd'hui, la baie des Flamands,
située en face du noyau urbain historique de Fort-de-France, accueille les bateaux de plaisance de passage, les navettes (« pétrolettes ») qui assurent les liaisons trans-baie, les
vedettes de la SMSN, celles des pilotes ainsi que le terminal de croisière de la Pointe Simon. La baie du Carénage abrite la flotte de la Marine nationale, le Yacht Club et le bassin de radoub.
La baie des Tourelles accueille les navires roll-on/roll-off et les bananiers tandis que la Pointe des Carrières reçoit les cargos vraquiers. Le nouveau terminal de la Pointe des Grives
assure l'essentiel du trafic de conteneurs. La Pointe des Sables est en pleine transformation pour accueillir un port de plaisance. Plus à l'Est, la raffinerie de produits pétroliers de
la SARA dispose d'un wharf. Ainsi, c'est la quasi totalité de la rive nord de la baie de Fort-de-France qui se trouve dédiée aux activités maritimes, véritable synapse des flux avec
l'espace ultramarin.
Les activités de pêche se rencontrent sur l'ensemble du littoral martiniquais où chaque bourg est également un centre de pêche. Cette activité occupe une place variable dans les économies
communales. La pêche est incontestablement une activité majeure pour les petites communes de la Martinique comme le Carbet ou encore Grand-Rivière.
Le tourisme balnéaire se concentre essentiellement dans les communes du Sud de la Martinique comme les Trois-Îlets, Le
Diamant, Sainte-Luce, Le Marin ou Sainte-Anne. Résidences secondaires ou hôtelières de différentes générations se succèdent le long du littoral, s'intégrant avec plus ou moins de bonheur dans
le paysage. La crise du tourisme martiniquais laisse planer de nombreuses incertitudes sur l'avenir de certaines infrastructures hôtelières : vente à la découpe sous forme
d'appartements, transformation en maison de retraite… Aujourd'hui, la rénovation d'un certain nombre d'établissements semble indispensable pour rester compétitif. Le climat social
apaisé semble être également un autre élément indispensable à la pérennisation de l'activité.
A l'intérieur des ensembles urbains, le liseré côtier est aujourd'hui particulièrement concerné par les opérations de rénovations et de réappropriation collective. Après avoir été
réhabilité par le biais de différents programmes, les quartiers d'habitation spontanée construits sans titre de propriété, sont aujourd'hui en voie de régularisation foncière. Les espaces
encore vacants en front de mer ont fait l'objet d'opération d'urbanisme et accueillent généralement des logements HLM. La continuité de l'urbanisation littorale est ainsi
réalisée. Parallèlement, les fronts de mer font depuis quelques années l'objet de préoccupations grandissantes de la part des équipes municipales. Les communes de Saint-Pierre, de Schoelcher
ou encore du Vauclin se sont engagées dans cette voie. Un grand projet de promenade côtière est en cours à Fort-de-France, associé à la rénovation du parc de la Savane et la construction d'un
centre d'affaires qui doit par l'édification de tours, symboliser la fonction de capitale de Fort-de-France. Il s'agit en Martinique, comme ailleurs, de mettre en valeur
l'ouverture sur la mer dans le cadre d'opération de redynamisation des centres-villes. Ainsi, le littoral devient un espace de mise en perspective paysagère, d'exposition et de
recherche d'une sociabilité retrouvée.
3. Des espaces fragiles et à protéger
Face à cette forte pression anthropique sur le littoral martiniquais, la question de la préservation de l'environnement se
trouve posée. Les enjeux sont multiples et de première importance pour le développement de la Martinique. De part la richesse de la flore et de la faune liée à la spécificité des milieux
littoraux, les zones côtières nécessitent une protection environnementale. L'exemple des mangroves a souvent été cité car la réduction rapide de ses superficies au profit des zones
industrielles et commerciales dans les années 1980 témoigne des ravages d'un développement à moindre coût. Aujourd'hui encore les débats restent vifs autour de ces espaces fragiles. Après
une phase anarchique d'urbanisation, de nombreuses mesures de protection ont été prises. Cependant, elles légitiment bien souvent une poursuite des déclassements des terrains jusqu'aux
limites autorisées. La question des îlets nous semble emblématique de la difficulté de concilier préservation de l'environnement, développement économique – touristique en
l'occurrence – et propriété privée. Il s'agit pourtant des derniers refuges pour certaines espèces dont l'avenir est bien incertain.
La baie de Fort-de-France, l'une des baies les plus polluées des Petites Antilles, concentre l'essentiel des problèmes auxquels sont confrontés les littoraux martiniquais puisqu'elle
accueille une partie importante de la population et des activités économiques dont la présence de certaines autour d'un même espace peuvent sembler à première vue incompatible, comme
l'activité touristique et le raffinage de pétrole. Si de gros progrès ont été réalisés dans le rejet des eaux usées, les eaux de surface sont encore de mauvaise qualité, essentiellement du
fait des pollutions de nature agricole. L'état de la mangrove du Lamentin en témoigne.
La question du développement des littoraux martiniquais, comme par ailleurs celui des autres territoires insulaires de la Caraïbe, ne peut faire l'impasse d'une réflexion globale sur la
pérennisation des ressources et sur la notion de développement durable. La complexité du problème tient en partie à la spécificité des espaces littoraux dont la profondeur continentale et les
bordures maritimes côtières doivent être prises en compte. Ailleurs dans le monde d'autres défis semblables ont été relevés. Cela sera également possible en Martinique pour peu que l'on
engage les politiques nécessaires.
Auteur : Yvan Bertin
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