RISQUES MAJEURS
 
Saison cyclonique 2022

 

Comme chaque année, la période entre août et novembre marquent l’entrée de la Caraïbe dans un état de forte instabilité climatique. Pluies diluviennes, inondations, glissements de terrain, ondes tropicales, tempêtes et cyclones apportent avec eux désolation, morts et disparus dans les îles et les États continentaux de la zone.

La saison 2022 ne déroge pas à la règle. Si les cyclones dans l’Atlantique Nord et la Caraïbe sont moins violents que ceux enregistrés en 2017 ou 2020, comme à leurs habitudes, les bilans sont lourds en pertes humaines et en dégâts matériels. 

1. Retour sur les évènements cycloniques 2022 

À la mi-septembre, entre le 14 et le 27, le cyclone Fiona entre dans la Caraïbe par la Guadeloupe, alors qu’il n’est encore qu’une tempête tropicale. Il traverse l’île principale de part en part, ravageant nombre de communes. Les Abymes, Baie-Mahault, Baillif, Basse-Terre, Bouillante, Capesterre Belle-Eau, Gourbeyre, La Désirade, Deshaies, Gosier, Goyave, Lamentin, Petit-Bourg, Pointe-à-Pitre, Pointe-Noire, Port-Louis, Saint-Claude, Saint-François, Sainte-Rose, Trois-Rivières, Vieux-Fort et Vieux-Habitants sont déclarées en état de catastrophe naturelle le 24 septembre 2022.

La dépression poursuit sa route et frappe Porto Rico où il devient cyclone de catégorie 1. En atteignant la République dominicaine, et la côte Est (Samana et Punta Cana), il passe en catégorie 2 et poursuit sa route, il s’intensifie en direction de Grand Turk (Îles de Turques et Caïques). Alors en catégorie 3, il se recharge entre les Caïques et les Bermudes et passe ainsi en catégorie 4. Les vents atteignent alors en pointe, plus de 315 km/h. Il poursuit sa route et atteint les côtes atlantiques du Canada en rétrogradant en catégorie 2 pour toucher Halifax avec des vents atteignant 165 km/h.

Son trajet se poursuit en direction du Labrador ou il perd peu à peu sa vigueur au contact des masses d’eaux froides et se dissipent fin septembre en direction du Groenland.

Fiona laisse une addition pour dégâts matériels estimée à plus de trois milliards de US$ et causera 27 morts, dont 25 dans la seule île de Porto Rico. Cette île déjà très fortement impactée par le passage des cyclones Maria et Irma en 2017 ne se remettait que lentement des destructions occasionnées par le passage de ces deux phénomènes majeurs. Fiona, outre la violence de ses vents, s’est accompagné de pluies diluviennes générant des glissements de terrain dans le pays et provoquant des dégâts dans l’agriculture locale pour un montant estimé à quelques 2 milliards de US$. Il privera également un million d’habitants d’eau potable et mettra à mal un réseau électrique encore en reconstruction depuis 2017. 

À peine Fiona est-il en route vers les côtes du Canada, qu’un épisode de catégorie 4, Ian, fait son apparition au large de Trinidad-et-Tobago. Entre le 24 septembre et le 03 octobre 2022, Ian qualifié de second ouragan majeur de la période cyclonique 2022, va impacté les deux îles de Trinidad et Tobago, les ABC (Aruba, Bonaire, Curaçao) alors qu’il n’est encore qu’une onde tropicale. Il se recharge alors en traversant la mer des Caraïbes et atteint les Îles Caïmans, le 26 septembre passant en ouragan de catégorie 1. Il monte alors en charge et frappe Cuba le 27, atteignant la catégorie 3. Les vents atteignent plus de 200 km/h. Il se renforce alors dans le Golfe du Mexique et frappe la Floride avec des vents de plus de 250 km/h. Poursuivant sa route vers l’Atlantique, on peut alors espérer un affaiblissement, il redevient tempête tropicale. Mais au contact du Gulf Stream, il se recharge et atteint alors la Caroline du Sud en tant que cyclone de catégorie 1.

L’État de Floride est ravagé, notamment les villes de Fort Myers et de Naples. Les dégâts sont impressionnants et les coûts financiers sont estimés à près de 63 milliards de US$, alors même que le coût humain est catastrophique avec près de 134 décès. 

Entre le 7 octobre et le 10 octobre 2022, l’ouragan Julia de catégorie 1 vient frapper l’extrême sud de la zone Caraïbe. Avec des vents atteignant 140 km/h., Julia touche successivement le Venezuela, les Antilles Néerlandaises, l’île de San Andrès, Panamà, le Salvador, le Honduras et le Nicaragua. Si les vents sont moins violents que pour Ian ou Fiona, les pluies diluviennes entraînent une nouvelle fois des glissements de terrains. Ainsi, le 10 octobre au Venezuela, la ville de Las Tejerias est traversée par une coulée de boue. Au final, Julia comptabilisera 36 décès, 56 disparus et des centaines de milliers de dollars de dégâts. Toujours au Venezuela, au début du mois de novembre, dans l’État de Anzoategui, un glissement de terrain provoqué par de fortes précipitations cause le décès de 7 personnes dans les villes de Guanta et de Puerto La Cruz. 

Fin octobre, c’est par le Pacifique qu’un ouragan majeur de catégorie 4 se dirige avec des vents à 195 km/h vers le Mexique. Fort heureusement, à l’approche des côtes mexicaines le 24 octobre, l’ouragan Roslyn perd de son activité et est rétrogradé au stade de tempête tropicale. Il causera le décès de deux personnes, avant de poursuivre sa route vers les États-Unis en perdant de son intensité. 

Le 02 novembre dernier, un ouragan de catégorie 1, dénommé Lisa a frappé le Belize ne causant aucune perte humaine mais provoquant de fortes inondations, notamment dans la capitale de Belize City, submergée par les vagues. 

La saison cyclonique 2022 peut être qualifiée de saison active avec 3 cyclones majeurs et des cyclones de moindre intensité mais dont les phénomènes associés ont engendré des pertes élevées, tant humaines que matérielles. 

2. Inondations et glissements de terrains 2022 

On l’oublie bien souvent, si les cyclones tuent, les pluies qui les précèdent ou les accompagnent sont tout autant dévastatrices et dommageables pour les vies humaines et les biens. Favorisant les glissements de terrain et les inondations, ces pluies sont à l’origine de désastres chaque année dans les pays caribéens et d’Amérique Latine. En quelques minutes, les cumuls de précipitations peuvent atteindre des niveaux remarquables.

Ce fut le cas au début du mois de novembre dans les Antilles Françaises. En Martinique, le 7 novembre 2022, la côte nord-est est frappée par des pluies diluviennes, occasionnant des coupures de routes, des débordements de cours d’eau et des dégâts matériels dans les communes de Sainte-Marie (91 mm de précipitations cumulés en 6h), du Robert et du Lorrain (72 mm). Cette onde tropicale se déchaîne également en Guadeloupe, où les communes de Goyave, de Petit-Bourg ou de Baie Mahaut affichent respectivement des cumuls de 100 mm, 250 mm et 68 mm. De nombreuses habitations ont été inondées, des routes coupées et des infrastructures détruites. Cette remontée d’air humide et instable générée par un flux en provenance du Sud-Est Atlantique et par un flux convergeant en provenance du Sud-Ouest Caraïbe s’est trouvée liée à une zone de basses pressions qui s’est creusée au sud de la République Dominicaine, arrosant de fortes pluies l’arc antillais et particulièrement les îles de Martinique, de Guadeloupe, de Saint-Martin et Saint-Barthélémy.  

Au total pour cette saison 2022, le bilan humain s’élève à 206 décès et 56 disparus. Le bilan matériel est tout autant dramatique avec plus de 66 milliards de dégâts, sans compter les destructions liées aux inondations causées par les tempêtes et ondes tropicales dont l’estimation du coût fait défaut.

Une nouvelle fois, la Caraïbe paye un lourd tribu aux éléments naturels. La fréquence et la violence de ces évènements ne laissent que peu de répit aux sociétés qui tentent inlassablement de reconstruire leurs territoires. Le coût humain est encore et toujours trop élevé ; les mesures de prévention et de protection - même si de gros efforts ont été faits dans de nombreux pays - sont encore insuffisants, notamment face à des glissements de terrain toujours plus nombreux. Le contrôle tant de l’urbanisation que des modalités de construction restent, par exemple, un aspect à améliorer. La pression des hommes et des activités dans des zones littorales directement exposées aux aléas climatiques est un problème qui ne peut que s’accentuer dans les prochaines années, entraînant son flot de déplacés climatiques, comme ce fut déjà le cas en 2017. Le réchauffement climatique et l’accentuation de la violence de ces épisodes cycloniques ne peut qu’inciter les sociétés à redoubler d’efforts pour se prémunir contre la violence de ces phénomènes naturels, c’est là un enjeu majeur de cette partie du monde.

Agrandir

Auteur : Frédérique Turbout

Haut