Le Front Populaire aux Antilles
L'exemple de Félix Eboué
En Septembre 1936, le contexte sociopolitique est difficile aux Antilles. L’activité économique repose sur l’exploitation sucrière, les ouvriers perçoivent des salaires de misère et le
patronat refuse toute augmentation ; les accords Matignon ne sont pas appliqués dans les colonies.
En Guadeloupe, la situation politique est particulièrement tendue, ouvriers et patronat campent sur des positions extrêmes, le pays est au bord de l’explosion sociale.
Le Ministre des Colonies M. Violette estime que Félix Eboué originaire des colonies peut, grâce à son expérience, son
impartialité, son ascendant sur les masses, obtenir la confiance des uns et des autres, rétablir le calme tout en respectant la philosophie du Front Populaire.
Problématique : Comment Félix Eboué va- t-il opérer dans un contexte difficile ? Les objectifs seront-ils
atteints ?
Plan :
1. Le parcours de Félix Eboué, un atout pour faire face aux difficultés ?
1.1. La formation théorique
1.2. Un homme de terrain
2. Félix Eboué, gouverneur du Front Populaire
2.1. Le programme
2.2. La méthode
2.2.1. A travers les crises
2.2.2. En s’imprégnant du contexte socioculturel
Doc.1 : Discours programme au Conseil Général, Octobre 1936
Le « minimum social »
[…] Vous avez pu constater que l’exposé de mon programme s’étendait tout particulièrement sur les questions sociales : éducation physique et aménagement sportif, cités ouvrières,
amélioration des conditions de la vie rurale, politique coopérative, crédit maritime mutuel, assistance publique, assainissement des eaux, enseignement agricole, apprentissage, enseignement
professionnel, instruction publique : toutes questions qui, au premier chef intéressent les masses ouvrières et paysannes, et qui, une fois résolues, constitueront notre « minimum
social » enfin atteint.
Je sais que l’œuvre est vaste, que des découragements pourront se produire ; mais je sais aussi que si nous ne réalisons pas ce minimum, l’avenir de ces vaillantes populations sera
fortement compromis.
On me reproche, m’a-t-on dit, de me fixer un minimum qui représente le maximum des efforts que le Pays peut donner… mais je crois fermement, que nous pouvons atteindre le but que nous nous
sommes assigné ; je crois que le Pays peut faire ces efforts ; car, au fur et à mesure des réalisations, nos possibilités se trouveront accrues par ces réalisations mêmes, et,
d’étapes en étapes, avec prudence mais avec sûreté, nous arriverons à donner à tous le moyen de satisfaire leurs besoins « sociaux ».
Source : Manuel scolaire.
Questions :
- Quels sont les objectifs fixés par le gouverneur Eboué ?
- En quoi ces mesures s’apparentent-elles au programme social du Front Populaire ?
Doc.2 : Discours de Félix Eboué à l’Habitation La Boucan (Commune de Sainte-Rose), Décembre 1936.
Discours aux ouvriers en grève
Je suis venu dans votre pays avec une grande joie et une grande fierté. J’étais heureux, moi, un Noir, de venir vous administrer, vous, des gens de ma race.
Or depuis que je suis en Guadeloupe, les choses se passent comme si, honteux de voir un Noir à la tête du pays, vous, les ouvriers industriels et agricoles, vous aviez juré d’accord avec
l’usine, de me faire partir dans la honte et le sang. C’est avec douleur que je constate qu’au lieu de m’aider, vous semblez faire le jeu de ceux-là mêmes qui se refusent à vous payer de justes
salaires, le jeu de ces agitateurs qui vous excitent à l’incendie, à l’occupation d’usines, aux menaces et peut-être, tout à l’heure, à l’assassinat.
On me conseille, vous le savez, d’appeler la gendarmerie car ce qu’on veut c’est faire couler le sang. Et je vous le dis aujourd’hui, avec tout l’amour que je porte pour tous les êtres à
quelque race qu’ils appartiennent : voyez ces mains, noires comme les vôtres. Elles n’ont jamais été éclaboussées, jamais été souillées par une goutte de sang.
Je vous le dis à vous et, par-dessus vos têtes, je parle à la Guadeloupe : si vous êtes assez peu maîtres de vous-même pour faire couler le sang humain au lieu de dominer vos colères et de
discuter comme des hommes libres, alors je quitterai ce pays en vous maudissant. Souvenez-vous que vous forgerez vous-mêmes les chaînes qui vous entraveront demain et vous appellerez vous-mêmes
la répression qui vous écrasera.
Quant à moi, je préfère encore retourner en Afrique où des hommes m’attendent, et qui, eux, me comprennent.
Source : Manuel scolaire.
Questions :
- Quel est le contexte dans cette habitation ?
- Quelle stratégie adopte Félix Eboué face à cette situation de crise ?
Photo 1 : Félix Eboué en visite à Basse-Terre en 1937
Source : Archive de l'auteur.
Doc. 3 Message aux Guadeloupéens – Juillet 1938
(…) La Guadeloupe est un pays superbe, splendide. C’est un paradis sans serpent. Mais le reptile y est remplacé avantageusement par le virus de la politique… Lorsque les Guadeloupéens
comprendront l’intérêt et la nécessité de s’unir en oubliant ce qui les divise pour ne retenir que le sens de l’intérêt général, et cela n’arrivera que lorsqu’on enlèvera tout crédit et toute
possibilité de nuire aux charlatans qui vivent de la misère du peuple, dès ce moment-là, le travail sera facile et fécond (…)
Entre Guadeloupéens, il ne saurait y avoir d’ennemis. Au dessus des désaccords il y a avant tout la prospérité de votre pays à assurer.
Source : Manuel scolaire.
Bibliographie :
Histoire Géographie Antilles Guyane Lycées, Ed. Hatier international, 2006.
Jean de la Roche, 1957, Le Gouverneur général Félix Eboué 1884-1944, Ed. Hachette.
Internet
Auteur : Marc-André Leopoldie
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