POPULATION
 
Développement humain (2017-2018)

L'IDH est un indicateur qui permet de rendre compte du niveau de développement des sociétés. Indice composite, il combine une approche sanitaire, éducative et de niveau de vie. Plus il s'approche de 1 et plus le niveau de développement du pays est élevé et offre de très bonnes conditions de vie. Dans la Caraïbe, les situations sont souvent contrastées, oscillant entre fort niveau de développement et niveau faible témoignant de conditions de vie parfois très fragiles. Cet indice, suivi depuis plus de 25 ans dans cet atlas, illustre les progrès et les changements socio-économiques qu'a connu le bassin caribéen. Il est un indicateur fort tant pour prendre le pouls de la situation actuelle que pour suivre les grandes évolutions et accidents que connaît cette zone du monde depuis un quart de siècle. 

L'IDH moyen de la zone « Caraïbe – Amérique latine » se situe à 0,758 en 2017. En 2012, il était établi à 0,740. On observe donc une très nette progression de cet indice dans la région. Alors qu'en 2012, sept pays se situaient en dessous de la moyenne mondiale, ils sont dix à présent à avoir un IDH inférieur à la moyenne mondiale de 0,728 (contre 0,693 en 2012). En fait la moyenne mondiale a également fortement progressé témoignant d'une amélioration des conditions de vie dans de nombreux pays du monde. En comparant dans le détail les situations des États de la Caraïbe, on observe des évolutions parfois atypiques, comme dans le cas de la Dominique où la situation semble s'être fortement dégradée. 

1. Des niveaux de développement en hausse depuis 2012 

En cinq ans, les niveaux de développement n'ont pas beaucoup évolué. Les pays présentant les meilleurs résultats en 2012 sont les mêmes en 2017. Tous les pays de la zone Caraïbe pour lesquels la donnée est disponible, ont enregistré des hausses de leurs IDH1. La Martinique, la Guadeloupe, Barbade et les Bahamas ont un IDH supérieur à 0,8 donc bien supérieur à la moyenne mondiale de 0,758. Les pays en queue de peloton dans la zone reste les pays de l'isthme qui connaissent de grandes difficultés économiques, politiques ou d'insécurité. On retrouve ainsi le Salvador, le Honduras, le Nicaragua, le Guatemala et le Guyana, tous situés entre la 121ème et le 133ème position sur les 189 pays recensés. Enfin, à l'identique des périodes antérieures, en 2005 comme en 2012, Haïti reste le pays de la zone Caraïbe où l'IDH est le plus faible (0,498) ce qui le place en 168ème position dans le classement mondial 2017.

Les classements qui varient peu entre 2012 et 2017 indiquent toutefois de nettes progressions de l'IDH dans l'espace caribéen et sont le reflet de l'évolution des indicateurs qui permettent de composer cet IDH. Si l'espérance de vie ou les niveaux de scolarité évoluent peu car ils sont déjà à des niveaux élevés, ce sont le niveau de revenu par habitant et le taux de mortalité infantile qui influent directement sur les scores de l'IDH. On peut ainsi prendre pour exemple le cas de Cuba : le revenu moyen d'un Cubain équivaut à la moitié du RNB moyen mondial par habitant, mais le niveau de la mortalité infantile est le plus bas des pays de la zone, inférieur à celui du Canada, et permet associé à un niveau de scolarisation élevé, d'atteindre la 73ème place en matière d'IDH au niveau mondial, soit supérieur au classement de la Chine, de l'Ukraine ou du Brésil. 

2. Des nets progrès dans la lutte contre la mortalité infantile 

L'IDH est un indice composite associant espérance de vie à la naissance, niveau de scolarité et revenus par habitant. Si globalement tous les niveaux de revenus ont progressé, le gain le plus évident concerne la mortalité infantile avec une nette amélioration des taux dans la plupart des pays de la Caraïbe. Les progrès en matière de suivi sanitaire, dans la prise en charge des naissances, dans les campagnes massives de vaccination et dans le suivi des maternités et des périodes post-natales portent aujourd'hui leurs fruits. Même à Haïti où la situation sanitaire et la mortalité infantile étaient particulièrement dramatiques au début des années 2000, la situation s'est améliorée. À titre de comparaison, en 2005 en Haïti, le taux de mortalité infantile (pour 1000 naissances vivantes) était établi à 84 ‰, en 2017, il est de 50,9 ‰. S'il reste encore des progrès à faire dans ce domaine, les signes sont tout de même encourageants. Au Guatemala, en 2005, ce même taux de mortalité infantile était de 32 ‰ ; en l'espace de 15 ans, il est passé à 16 ‰, soit réduit de moitié.

Les exemples de ce type sont nombreux et concernent essentiellement des États ou la mortalité infantile était encore, au début des années 2000, élevée, voire au dessus de la moyenne mondiale. Tous les pays de la zone caribéenne affichent des évolutions négatives, témoignant d'une amélioration nette de cette mortalité en bas-âge. Ainsi le Mexique, le Salvador, le Nicaragua, le Guatemala, le Guyana ou bien encore le Suriname ont enregistré entre 7 et 20 points de baisse de la mortalité infantile. À l'inverse, seuls quatre pays ou régions enregistrent des hausses de leur mortalité infantile. Pour trois d'entre-eux, Martinique, Guadeloupe et Barbade, la hausse ne dépasse pas 1,2 points. Par contre en Dominique, la hausse de la mortalité infantile est très forte, plus 18,2 points d'écarts entre 2005 et 2017, et plus particulièrement depuis 2012. Un article de la revue médicale The Lancet2, fait état de cette situation a priori inexplicable. Si habituellement un taux de mortalité infantile élevé fait référence à une situation sanitaire et un accès aux soins déficients, il semble que dans le cas de la Dominique, il s'agisse avant tout de complications au moment de l'accouchement des futures mamans. 

Tableau n°1 : Evolution des taux de mortalité infantile dans les pays de la Caraïbe 2005-2017

Pays

Taux de mortalité infantile ( ‰ )

Evolution

 

2017

2012

2005

2005-2017

États-Unis

5,6

6

6

-0,4

Martinique

7,4

8,7

7,2

0,2

Guadeloupe

8,3

7,6

7,1

1,2

Guyane

9,3

10,1

11,8

-2,5

Bahamas

8,6

13

13

-4,4

Barbade

11,4

12

11

0,4

Costa Rica

7,7

9,1

11

-3,3

Panama

14,1

17

19

-4,9

Trinidad-et-Tobago

16,5

29

17

-0,5

Antigua et Barbuda

5,1

12

11

-5,9

Saint-Kitts-et-Nevis

7,6

10

18

-10,4

Cuba

4,2

4,5

6

-1,8

Mexique

12,6

15

22

-9,4

Grenade

14,4

14

17

-2,6

Venezuela

14

16,4

18

-4

Colombie

13,1

16

17

-3,9

Sainte-Lucie

11,8

22

12

-0,2

Rép. Dominicaine

25,5

27

26

-0,5

Jamaïque

13,2

23

17

-3,8

Saint-Vincent

15,2

20

17

-1,8

Suriname

17,8

20

25,7

-7,9

Dominique

31,2

12

13

18,2

Belize

12,8

17

15

-2,2

El Salvador

12,9

20

23

-10,1

Nicaragua

16,8

20

30

-13,2

Guyana

26,9

38

47

-20,1

Honduras

23,9

26

31

-7,1

Guatemala

16

30

32

-16

Haïti

50,9

61

84

-33,1

Monde

29,9

34,5

44

-14,1

Sources : PNUD 2018.

 

En effet, entre 2000 et 2016, la mortalité intrapartum a été multipliée par trois dans l'île, alors même que 35 % des décès des enfants âgés de moins de cinq ans étaient dus à des complications intrapartums, c'est-à-dire durant l'accouchement. Au niveau mondial, ce chiffre ne dépasse pas 13 % des décès d'enfants de moins de 5 ans. Ces quelques éléments viennent alimenter la thèse d'un système de soins déficient, de personnels insuffisamment formés ou en sous-nombre, de lacunes dans les réponses des équipes périnatales, 48 % des décès sont en effet dus à des asphyxies à la naissance et 14 % à des septicémies néonatales. Cette anomalie que représente la Dominique au sein de toute la zone interroge et par voie de conséquence impacte directement le niveau de l'IDH de cette île des Petites Antilles.

Pour l'ensemble des autres entités de la zone, la mortalité infantile a fortement diminué illustrant d'une réelle amélioration des conditions sanitaires et du niveau de vie. 

3. Des revenus en légère hausse 

En 2017, beaucoup de pays ont encore des revenus par habitant inférieurs à la moyenne mondiale établie à 15 295 $US en 2017. Ils sont mêmes plus nombreux à se situer sous la moyenne mondiale par rapport à 2012. Cela signifie t-il que la zone s'appauvrit ? En tout état de cause, les revenus moyens par habitants progressent mais moins rapidement que la moyenne mondiale. On observe quelques exceptions où la progression est très forte.Ainsi, le Guyana, le Nicaragua et le Honduras ont vu le revenu moyen par habitant plus que doubler en l'espace de 5 ans, même si pour ces trois pays, le RNB reste faible et inférieur à 7 500 $US par habitant, soit moitié moins que le RNB mondial. Seuls quatre États ont enregistré une baisse du RNB/hab. : Barbade, les Bahamas, la Dominique et le Venezuela. Pour ce dernier, la récession économique faisant suite à l'hyperinflation et la sous-production nationale combinées aux sanctions économiques des États-Unis ont impacté directement le niveau de vie de la population. La chute est importante mais pas autant que celle de la Dominique, mauvais élève une nouvelle fois durant cette période et qui enregistre une baisse du RNB/hab de 24 %. Cette chute importante est due principalement à l'impact des accidents cycloniques et une lente reprise suite à la crise de 2008. En 2015, l’île a été frappée de plein fouet par le cyclone Erika dont les dégâts occasionnés sont estimés à près de 96 % de son PIB. La croissance est restée modérée conséquence directe d'une orientation économique reposant avant tout sur l'agriculture et le tourisme, deux secteurs d'activités fortement soumis aux aléas climatiques. 

Tableau n°2 : Evolution du RNB/hab. 2012-2017 

Pays

RNB par hab (ppp $US 2011)

Evolution (%)

2017

2012

2012-2017

États-Unis

54 941

43 480

26,4

Martinique

28 760

20 678

39,1

Guadeloupe

25 690

18 657

37,7

Bahamas

26 681

27 401

-2,6

Barbade

15 843

17 308

-8,5

Costa Rica

14 636

10 863

34,7

Panama

19 178

13 519

41,9

Guyane

19060

18 990

0,4

Trinidad-et-Tobago

28 622

21 941

30,4

Antigua et Barbuda

20 764

13 883

49,6

Saint-Kitts-et-Nevis

23 978

12 460

92,4

Cuba

7 524

5 539

35,8

Mexique

16 944

12 947

30,9

Grenade

12 864

9 257

39,0

Venezuela

10 672

11 475

-7,0

Colombie

12 938

8 711

48,5

Sainte-Lucie

11 695

7 971

46,7

Rép. Dominicaine

13 921

8 506

63,7

Jamaïque

7 846

6 701

17,1

Saint-Vincent

10 499

9 367

12,1

Suriname

13 306

7 327

81,6

Dominique

8 344

10 977

-24

Belize

7 166

5 327

34,5

El Salvador

6 868

5 915

16,1

Nicaragua

7 278

3 426

112,4

Guyana

5 157

2 551

102,2

Honduras

7 447

3 387

119,9

Guatemala

4 215

4 235

-0,5

Haïti

1 665

1 070

55,6

Monde

15 295

10 223

49,6

Sources : PNUD 2018, Subnational HDI 2020.  

 

Au final en 2017, les situations des pays de la zone Caraïbe évoluent plutôt de manière ascendante. Les revenus par habitant augmentent régulièrement, les classements établis par le PNUD en fonction de l'IDH du pays évoluent peu également, gain de quelques places, pertes de quelques unes selon les années, mais sans réel changement de position, le niveau de scolarisation, fruit d'efforts constants depuis plus de 25 ans est bon, voire très bon dans certains États, le niveau sanitaire suit la même tendance et permet à la mortalité infantile de reculer massivement et dans tous les États, exception faite de la Dominique. C'est là le trait marquant de cette période 2012-2017 et cela témoigne des réels efforts qui ont été faits par les gouvernements au pouvoir et par l'éducation et la diffusion des bonnes pratiques en matière de santé des populations. Il faut espérer que la pandémie de Covid-19 ne mettra pas un terme à ces efforts et que la lutte contre cette maladie ne laissera pas de côté des pathologies graves et non prises en charge, faute de moyens, de temps et de personnels. Les conséquences économiques auront nécessairement un impact sur le niveau de vie des populations et il faudra donc suivre avec attention l'IDH dans la zone à l'horizon 2020-2021, les situations ont évolué positivement ces dernières années, mais elles restent encore fragiles pour nombre de pays de la zone, principalement dans l'isthme. 

Carte n°1 : L'IDH dans la zone Caraïbe en 2017

Agrandir

Auteur : F. Turbout, MRSH, Université de Caen 2020.  
 
 
 

1Un programme de recherche de l'Université de Radboud aux Pays-Bas a permis le développement d'un Datalab dont l'objet est de proposer sur la base des données disponibles pour chaque pays et ses sous-régions ou entités administratives qui le composent, des IDH détaillés et mis à jour régulièrement. Les données mobilisées s'appuient sur les publications du PNUD, de la Banque mondiale et des services statistiques nationaux. Smits J., Permanyer I., The subnational Human Development Database, Sci Data 6, 190038 (2019), https://doi.org/10.1038/sdata.2019.38

2Naderkhani G., Oyefolu O., Ali M., Gunaivardana D., Mahailet C., Massicotte A., The national tragedy of rising childhood mortality in Dominica : 15 years and counting, The Lancet, vol.7 dec. 2019.

Auteur : Frédérique Turbout

Haut