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Port de Fort-de-France
(Martinique)

 

Principale infrastructure portuaire de la Martinique, le port de Fort-de-France traite la quasi-totalité des échanges extérieurs de l'île. Adossé à la ville-capitale, il constitue un pôle économique et social stratégique situé à seulement huit kilomètres de l'aéroport international. Malgré un réaménagement et une modernisation constante de ses équipements, le port doit pourtant faire face à des enjeux d'envergure liés notamment à un contexte international de plus en plus concurrentiel et mondialisé. D'où la réflexion en cours sur la réforme de son mode de gouvernance et les orientations envisagées pour relancer des trafics de passagers et de marchandises en déclin.

Les installations portuaires

Situées en bordure du tissu urbain très dense de la capitale foyalaise, elles s'étendent pour l'essentiel au fond d'un bassin naturel abrité à l'ouest par le promontoire du Fort Saint-Louis qui rappelle son passé militaire, et à l'est par la Pointe des Carrières. La saturation de ce site initial a conduit à une extension des infrastructures toujours plus à l'est avec la construction d'un nouveau terminal à la Pointe des Grives où ont été transférées, depuis octobre 2003, les activités liées à la manutention des conteneurs. Le port totalise 2,7 km de quais et plus de 30 hectares de terre-pleins.

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Depuis les années 1990, l'aménagement et le développement des installations portuaires ont été orientés autour de plusieurs grands axes, à l'origine d'une réorganisation des espaces et paysages portuaires :

  • - Les quais situés au centre sont de plus en plus voués à la croisière ; le quai des Tourelles (l'ancien quai des paquebots) offre deux postes d'accostage mais présente l'inconvénient d'être relativement à l'écart du centre-ville. C'est pour cela qu'un terminal de croisière a été construit en 1992 à la Pointe Simon, sur le front de mer du centre-ville. L'aménagement de la frange urbaine du « Vieux port », qui s'étend du parc de la Savane à la Baie des Tourelles, favorise une meilleure ouverture du port sur la ville car, pendant longtemps, celle-ci a paradoxalement plutôt eu tendance à tourner le dos à son port. Au Quai Ouest, a été mise en service en 2010 une nouvelle gare maritime pour le trafic de passagers inter-îles avec un accès piéton au centre-ville. On trouve également dans ce secteur un bassin de radoub, construit sous le Second Empire et agrandi en 1951, qui peut accueillir pour entretien et réparation des navires de 20 000 tonneaux de jauge brute.
  • - Les premiers quais spécialisés ont été construits plus à l'est, à partir des années 1960 : l'ancien quai bananier dit de l'Hydrobase, l'appontement pétrolier et minéralier pour l'approvisionnement en clinker et en pétrole brut, l'appontement privé de la Société Anonyme de Raffinerie des Antilles (SARA). La conteneurisation des trafics maritimes, en 1980, a nécessité l'aménagement d'un premier terminal à conteneurs, situé entre les installations existantes, dans le prolongement sud du quai de l'Hydrobase. Vingt ans plus tard, face à l'engorgement de cette infrastructure, le port de Fort-de-France a dû construire un nouveau terminal à conteneurs, à la Pointe des Grives. La présence d'importantes surfaces disponibles, la volonté de soutenir divers projets d'urbanisation tels la marina de l'Etang Abricot ou le développement de la zone industrialo-portuaire de la Pointe des Grives, sont autant de facteurs qui ont été à l'origine du choix de ce site. Le terminal dispose actuellement de 16 hectares de terre-pleins et est équipé de trois portiques à conteneurs, d'un quai principal de 460 mètres (soit deux postes à quai) et d'un quai annexe de 150 mètres.

L'ancien terminal à conteneurs est désormais dédié aux activités de commerce en conventionnel (vrac ou roulage).

Vers une réforme portuaire ?

Le port de Fort-de-France est un port d'intérêt national géré par la Chambre de Commerce et d'Industrie de la Martinique (CCIM) qui a reçu de l'État, en 1953, une concession d'outillage public pour une durée de 50 ans, prorogée jusqu'au 31 décembre 2010. La Direction Départementale de l'Équipement (DDE) assure, par délégation du Préfet, la tutelle de la concession. Une réforme du statut est actuellement envisagée car les équipements de la Martinique, comme ceux de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion, sont concernés par la future réforme des ports de l'Outre-mer. Celle-ci s'inspire de la loi de réforme des ports du 4 juillet 2008 remplaçant, en Métropole, les ports autonomes par les grands ports maritimes (GPM) et comprend deux volets :

  • - l'un portant sur la gouvernance : d'ici le 1er janvier 2012, l'actuelle direction devrait être remplacée par un conseil de surveillance (composé notamment de représentants des collectivités locales, de ceux des personnels du port, des acteurs économiques et des personnalités qualifiées de l'État) qui aurait pour mission de définir les projets stratégiques du port et un directoire chargé de l'exécutif ;
  • - l'autre portant sur le transfert de l'outillage public au secteur privé.

Une mission interministérielle réalisée en 2009 a jugé cette réforme nécessaire pour accroître la performance des ports ultramarins. Mais celle-ci inquiète la communauté portuaire car d'importants enjeux politiques et sociaux sont en cause.

Les trafics portuaires

Le port de Fort-de-France traite plus de 3,1 millions de tonnes de marchandises par an, dont 70 % à l'importation. Ce déséquilibre souligne l'extraversion de l'économie martiniquaise soumise à une dépendance océanique pour son ravitaillement.

Les trafics importés (2 336 400 tonnes en 2008) sont constitués essentiellement par les importations de pétrole brut destinées à la raffinerie de la SARA, qui approvisionne la Guadeloupe et la Martinique en produits pétroliers finis, et des marchandises diverses conteneurisées.

Les produits pétroliers raffinés représentent la moitié des exportations ; ils sont expédiés par caboteurs vers la Guadeloupe et la centrale EDF de Bellefontaine, située dans le nord-est de l'île. L'autre moitié des sorties est constituée par des flux conteneurisés, parmi lesquels figure la banane dont les exportations (environ 280 000 tonnes par an) sont tributaires des aléas climatiques et des difficultés de la filière.

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Les trafics conteneurisés se sont élevés à 146 380 EVP en 2008 (équivalents vingt pieds) et la tendance est à la baisse depuis le milieu des années 2000.

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Fort-de-France se classe tout de même au 6e rang des ports français pour cette activité. Dans les Petites Antilles, il est sensiblement au même niveau que le port de Pointe-à-Pitre, tous deux étant dépassés par Port of Spain (Trinidad-et-Tobago). Depuis plusieurs années, les ports des Antilles françaises ambitionnent de développer les activités de transbordement et de redistribution des marchandises en pariant sur la croissance des échanges régionaux, la saturation des principaux hubs de l'espace caraïbe (Kingston, etc.) et l'élargissement du canal de Panamá. Mais en dépit de la qualité des équipements, leurs projets ont du mal à aboutir, les obstacles se situant tant au niveau du fonctionnement des ports qu'au niveau de toute la chaîne logistique. La géographie des trafics à Fort-de-France reste concentrée sur la France métropolitaine, la Guadeloupe, le reste du Bassin caraïbe et les différents pays approvisionnant la raffinerie de la SARA en produits pétroliers.

Parmi les autres axes de développement du port de Fort-de-France figure la relance de l'activité de la croisière, en baisse constante depuis les années 2000. Après avoir connu une fréquentation de 447 000 croisiéristes en 1995, l'infrastructure n'a accueilli que 69 700 touristes en 2009 ; ce recul est d'autant plus impressionnant que l'espace caraïbe constitue le premier bassin de croisière au monde. L'absence d'originalité du produit touristique par rapport aux îles voisines anglophones moins chères, une image ternie par les conflits sociaux récurrents expliquent la faible compétitivité de la Martinique et de la Guadeloupe dans ce secteur très concurrentiel et largement dominé par de puissants holdings nord-américains. La crise sociale de février 2009 s'est traduite par l'annulation d'une vingtaine d'escales de navires.

 

Évolution de l'activité de croisière au port de Fort-de-France

 

 

2004 2005 2006 2007 2008
Nombre de passagers 160 000 101 244 93 795 69 179 93 889
Nombre d'escales de navires 222 127 138 117 109
Source : DDE de la Martinique.

 

Le trafic de passagers avec les îles voisines (Sainte-Lucie, Guadeloupe, Dominique) est lui aussi en baisse, passant de 279 000 passagers en 2004 à 150 301 en 2008. La concurrence du transport aérien plus rapide, la disparition de certaines compagnies expliquent en grande partie cette évolution.

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Orientation bibliographique :


France-Antilles Martinique, 19 mai 2010, « La réforme portuaire est lancée », p. 2.


Le Marin, 12 novembre 2010, dossier « Martinique, évolutions en vue », p. 17-26.

 

Jean-Etienne C., Les espaces portuaires et maritimes des Petites Antilles : les cas de Fort-de-France, Pointe-à-Pitre et Castries, Thèse de doctorat, Université des Antilles et de la Guyane, 2008, 277 p.

 

Ranély Vergé-Dépré C., Chardon J.P., « Le Bassin caraïbe : un carrefour maritime ? », Festival International de Géographie, Saint-Dié-des-Vosges, octobre 2009, http://fig-st-die.education.fr/actes/actes_2009/chardon/article.html

 

Ranély Vergé-Dépré C., « Le transport maritime de passagers aux Antilles françaises : évolution, bilan et enjeux », Etudes Caribéennes, n° 2, 2005, p.33-39.

 

Ranély Vergé-Dépré C., Les Antilles françaises en transition : de la relation privilégiée franco-française à l'ouverture internationale. Essai d'une géographie des transports, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1999, 362 p. (Thèse de doctorat de l'université, Université de Bordeaux III, janvier 1999).

 

Ranély Vergé-Dépré C., « Quinze années de conteneurisation des trafics maritimes aux Antilles françaises : éléments d'un bilan », Les Cahiers d'Outre-Mer,n° 198, Bordeaux, 1997, p. 151-170.

 

http://www.martinique.port.fr

Auteur : Colette Ranely Vergé-Dépré

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