RISQUES MAJEURS
 
Saison cyclonique 2024-2025

La saison officielle des ouragans en Atlantique Nord est comprise entre le 1er juin et le 30 novembre. Dans cet intervalle de temps, se forment sur l’Atlantique Nord, de très nombreuses dépressions ; certaines restent au stade de tempêtes tropicales, d’autres évoluent en systèmes cycloniques dont les intensités varient. Ces dernières sont mesurées par l’échelle deSaffir-Simpson, qui comporte 5 gradations pour les ouragans, de la plus faible en intensité des vents (catégorie 1) entre 119 et 153 km/h, à la plus élevée (catégorie 5) avec des vents à plus de 250 km/h .

Les ouragans se succèdent chaque année et s’essoufflent généralement dès leurs passages sur les terres, aux États-Unis ou au Mexique, par exemple. Avant cela, ils grandissent et s’intensifient au contact des eaux chaudes de la Mer des Caraïbes. Le phénomène n’est pas exceptionnel, il est régulier, saisonnier, mais ce qui change depuis quelques années est l’intensité de ces ouragans. Plus nombreux et plus violents, donc plus dévastateurs et plus meurtriers. On se souvient des plus destructeurs, Katrina en 2005 qui dévasta la Nouvelle-Orléans, Hugo qui il y a 35 ans détruisit la Guadeloupe ou plus récemment les deux supers cyclones Irma et Maria en 2019 qui rayèrent de la carte une partie des habitations et des villes des Petites Antilles, avec des vents dépassant les 280km/h. Morts, disparus, dégâts se chiffrent en milliards de dollars et sont les résultantes de ces ouragans majeurs.

Cette saison qui débute est une nouvelle fois surprenante et inattendue. Elle restera dans les annales pour avoir enregistré l’ouragan le plus précoce de catégorie 5 jamais répertorié par les services spécialisés dans le suivi de ces systèmes (NOAA, NHC, Météo France…). Beryl est un ouragan de catégorie 5 qui a pris naissance le 25 juin dernier au large des îles du Cap-Vert et qui a gagné en intensité en traversant l’Atlantique.

 1. Beryl : ouragan le plus précoce de sa catégorie

Le 25 juin 2024, un système tropical nommé Beryl se forme au large des îles du Cap-Vert. Il traverse l’Atlantique en cinq jours et atteint les Petites Antilles où il est alors classé en catégorie 4, le système s’est renforcé et touche les Antilles avec des vents entre 200 et 250 km/h. Grenade et les petites îles de Cariacou, de Petite Martinique, de Canouan et Mayreau ou de Union sont touchées et détruites, parfois à plus de 90 %. 6 décès seront enregistrés.

L’ouragan poursuit sa route par la mer des Caraïbes dont les eaux particulièrement chaudes cette année (27°C en moyenne) réalimente le système dépressionnaire. Beryl passe ainsi en catégorie 5 et atteint la Jamaïque le 2 juillet. Il s’essouffle un peu et est rétrogradé en catégorie 3 lorsqu’il passe sur les îles Caïmans. Il poursuit sa route vers la presqu’île du Yucatan et passe en catégorie 2, puis il traverse le Golfe du Mexique ou il faiblit et redevient tempête tropicale. Le bilan est lourd, tant humain que financier avec 63 morts et plus de 6 milliards de dollars US. Cet ouragan majeur, si précoce dans la saison illustre les effets du réchauffement climatique et des eaux de surface. Depuis juin ce sont quelques 12 tempêtes tropicales ou ouragans qui ont traversé l’Atlantique Nord et pour 8 d’entre eux ont impacté plus ou moins fortement le bassin Caraïbe.

2. Hélène : ouragan parmi les plus destructeurs aux États-Unis

Il faut attendre fin septembre pour qu’un nouvel épisode majeur prenne forme dans la mer des Caraïbes. L’ouragan Hélène naît le 19 septembre, il est le huitième épisode cyclonique de la saison et très vite il gagne en intensité et devient un ouragan majeur. Alors qu’il se dirige vers les côtes américaines et passe au dessus du Yucatan et de l’île touristique de Cancùn, il est encore une tempête tropicale. Dès qu’il entre dans le golfe du Mexique, il se recharge et est classé en ouragan de catégorie 1. L’Alabama, la Caroline du Nord et la Floride sont en alerte. Très rapidement dans la journée du 26 septembre, il gagne en puissance et passe en catégorie 3 au large des Keys, il atteint le niveau 4 au sud de Tallahassee et impacte la région de Big Bend Coast avec des vents dépassant les 225 km/h. Les dégâts sont gigantesques, dus essentiellement aux ondes tropicales, aux inondations et à la violence des vents. Plus de 200 personnes ont perdu la vie, plus de 1 000 personnes supplémentaires sont portées disparues, notamment en Caroline du Nord. Le bilan matériel est pour le moment estimé à entre 20 et 34 milliards de dollars, l’un des plus importants enregistrés ces dernières années pour cette zone.

3. Milton, l’ouragan du siècle en Floride ?

Depuis le 05 octobre dernier, un système cyclonique qualifié d’exceptionnel est en cours de formation sur le Golfe du Mexique. Classé en catégorie 5 dès le 07 octobre, cet ouragan extrêmement actif a très rapidement augmenté en puissance et se dirige à l’heure actuelle vers la Floride, qu’il frappera dans quelques heures sur un couloir situé entre les villes de Tampa et Saragossa. Les autorités demandent instamment aux populations de fuir le plus rapidement les zones qui vont être impactées. Les risques de submersion des zones littorales sont particulièrement importants et le coût humain risque d’être très élevé. Cet ouragan, qualifié d’ores et déjà, d’ouragan du siècle, tant sa taille et sa puissance sont incroyables, va ravager la Floride qui s’attend à payer un coût humain et financier sans précédent lequel viendra s’ajouter aux conséquences humaines et financières de l’ouragan Hélène, il y a seulement une semaine.

 

Carte n°1 : Saison cyclonique 2024-2025 - Situation le 09/10/2024
Note : Cette carte sera remise à jour en fonction des futurs épisodes cycloniques susceptibles de se produire dans la zone.

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Auteur : F. Turbout, MRSH, Université de Caen Normandie, 2024.

4. Une saison cyclonique exceptionnelle ?

La saison à venir est qualifiée par la plupart des organismes spécialisés dans le suivi des épisodes cycloniques sur cette zone du globe comme risquant d’être l’une des plus intenses de ces dernières années. Les récents épisodes cycloniques particulièrement violents qui se succèdent semblent venir confirmer ces prévisions. Les modèles et prévisions tablent sur un doublement des évènements habituellement enregistrés, soit près de 23 systèmes cycloniques dont la moitié d’entre-eux deviendront des ouragans majeurs. En moyenne, depuis trois décennies, ce sont plutôt une quinzaine de systèmes annuellement dont la moitié sont qualifiés d’ouragans. Cette situation s’explique par l’augmentation de la température de la surface de la mer des Caraïbes observée depuis plusieurs années. Avec des températures comprises entre 27,5 et 30°C, la mer des Caraïbes se réchauffe et est une ressource idéale pour la formation et le renforcement d’ouragans de catégories 4 ou 5.

Comme nous le soulignons chaque année, le phénomène cyclonique n’est en rien une nouveauté ou une exception dans la zone. La Caraïbe est naturellement l’une des zones du globe la plus impactée par ces systèmes cycloniques ; tout concoure à cela, trajectoires des vents, températures des eaux de surfaces, vents en altitude...Ce qui change, ce sont l’intensité et la violence des phénomènes observés ces dernières années, et plus rarement comme cette année, la précocité, la fréquence et la violence des phénomènes attendus.

Le risque cyclonique est bien présent dans la Caraïbe et ses conséquences dépendent fortement du degré de préparation des sociétés à de tels risques, cela semble une gageure de le rappeler. Les changements climatiques en cours viennent directement impacter ces épisodes cycloniques qui s’accompagnent eux-mêmes de dévastations meurtrières, inondations, coulées de boues et pluies diluviennes.

Au delà de la violence des épisodes, se posent les questions de la gestion au niveau local et régional, de la prévention et de la préservation des vies humaines. De très gros efforts ont été fait en ce sens pour éduquer les populations au risque, pour le gérer mais la montée en puissance des phénomènes ne permet pas de lutter à armes égales. Pourtant, face à l’impossible, il reste des efforts à produire notamment en matière d’aménagement et de gestion d’un espace littoral sous pression concentrant hommes et activités ; la prise en compte de ces nouveaux paradigmes est incontournable pour tenter autant que possible de préserver les vies humaines dans ces espaces insulaires et sur les littoraux du bassin caribéen.

Auteur : Frederique Turbout

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