ÉLÈVE
 
L'âge industriel aux Antilles (1850-1939)

Document de l'élève

Partie 1. Le processus d'industrialisation

Document 1 : Une habitation-sucrerie à la Guadeloupe (XVIIIe ou début XIXe siècle)

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Dessin de M. de Bérard dans manuel Histoire Géographie collège, Antilles françaises, Hatier.

Document 2 : Une usine centrale créée en 1862 : Le Lareinty

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Carte postale Berger-Levrault.

Q1. Décrivez les documents 1 et 2 en insistant sur ce qui les différencie : énergie, bâtiments, moyens de transport utilisés.
Q2. Définir : habitation-sucrerie, usine centrale.

Document 3 : La locomotive de l'usine de Sainte-Marie

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Document4 : Les transports
Doc. 4a : Le transport de la canne en Martinique vers 1900

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Doc. 4b : Les voies ferrées

Écartement
Usine
Longueur des voies ferrées pour chaque usine
128,0
Lareinty
37 500 km
116,7
Petit-Bourg
20 690 km
120,0
Rivière-Salée
18 210 km
105,0
Marin
11 km
Longueur totale des voies ferrées en Martinique : 240 790 km

Q3. A partir des documents 3 et 4 décrire l'organisation des transports de la canne en Martinique. Qu'en concluez-vous ?

Partie 2. Un nouveau capitalisme pour une production de masse

Document 5 : La fièvre de placement dans les sucreries
1860
- Un nouvel espoir s'offre enfin à la Martinique : le Gouvernement français vient de créer le Crédit Colonial... Il s'agit là d'une société anonyme au capital de trois millions de francs dont l'objet est de prêter à long terme les sommes nécessaires à la construction de sucreries dans les colonies françaises ou à l'amélioration de celles qui existent déjà.
Une vraie fièvre de placement va alors saisir tous ceux qui possèdent quelque argent ou suffisamment de biens pour garantir un emprunt […]. On voit même certains prêtres séculiers investir sans vergogne dans les sucreries... Le denier du culte ! Des voies de chemin de fer destinées au transport des cannes font leur apparition dans l'île […].
La première année suivant sa construction, l'usine de la société Bougenot, Quenesson, Guiollet & Cie réalise 600 000 francs or de bénéfice brut. C'est la stupéfaction ! Et ce n'est qu'un début : tous les ans, l'usine distribuera en effet 25 % de son capital sous forme de dividendes et se payera même le luxe d'affecter 6 % de ses profits à un fonds de réserve. Le chemin de fer est amorti dix mois après son achat. On commence à parler d'or blanc...
Les usines surgissent comme champignons d'un bout à l'autre de l'île et rien ne semble alors pouvoir freiner cette frénésie d'investir et de construire […].
Le pays est bientôt recouvert de cannes comme il ne l'avait jamais été auparavant.
B. Petitjean-Roget, Le Mémorial Martiniquais, 1979, tome 3, p.26.
Q4. Après avoir défini les mots ou expressions suivantes : société anonyme, capital, prêt à long terme, dividende, justifiez l'expression « fièvre de placement dans les usines sucrières ».
Q5. Trouvez les raisons qui ont poussé le gouvernement à créer le Crédit Foncier Colonial.

Document6 : Le sucre
Doc. 6a : L'exportation du sucre antillais de 1830 à 1909

Années
Sucre exporté de Martinique
(moyenne annuelle en tonnes)
Sucre exporté de Guadeloupe
(moyenne annuelle en tonnes)
1830-1839
24 179
32 393
1840-1849
25 780
29 234
1850-1859
24 496
21 303
1860-1869
32 095
29 278
1870-1879
42 175
39 732
1880-1889
40 879
47 380
1890-1899
31 681
35 910
1900-1909
34 927
-

D'après Historial antillais, tome IV, p. 415-416.

Doc. 6b : La production sucrière antillaise : prospérité et incertitudes
[…] La production sucrière en Martinique et en Guadeloupe croît rapidement avec la création de ces nouvelles usines entre 1868 et 1884 et pourtant la production de chacune de ces deux îles ne représente plus alors que 9 à 10 % des besoins français […].
Pour la Martinique et la Guadeloupe après une incomparable période de prospérité s'ouvre une période d'incertitude. La crise qui va s'installer à partir de 1884 va frapper plus durement les usines les plus récentes qui n'avaient pas encore eu le temps de se constituer des réserves […].
Une grave crise de surproduction s'installa à l'échelle mondiale… Les cours s'effondrent sur les marchés extérieurs qui n'offrent plus de débouchés intéressants.
Historial antillais, tome IV, p. 411, 412, 413.
Q6. Que peut-on déduire des documents 6a et 6b sur l'évolution de la production sucrière antillaise ?

Partie 3. Une société en mutation ?

Document 7 : Le salariat agricole en 1870
L'abolition de l'esclavage ne s'était pas accompagnée d'une réforme profonde du régime de la propriété […]. Aussi, en 1870, retrouve t-on, comme avant 1848, une mince couche de grands propriétaires blancs, les « békés », détenteurs de l'essentiel des terres, et une masse importante de main-d'œuvre noire à laquelle se sont ajoutés des immigrants indiens.
Mais les rapports entre ces deux éléments ont pris, du fait de l'abolition, un caractère nouveau, ils sont désormais fondés sur le salariat. Certes, avant l'abolition, il existait des salariés, ouvriers et artisans de couleur de Saint-Pierre et de Fort-de-France. Mais leur nombre, après 1848, s'est accru de toute la masse des anciens esclaves qui n'ont pu accéder ou qui ont accédé insuffisamment à la propriété, et le salariat encore embryonnaire en 1848 s'est trouvé déplacé de la ville vers la campagne où la culture de la canne, comme sous l'esclavage, exige le maintien d'une main-d'oeuvre nombreuse. C'est cette prédominance de la main-d'œuvre salariée employée à la culture de la canne que font apparaître les statistiques […].
Jacques Adélaïde-Merlande, Les origines du mouvement ouvrier en Martinique, 1870-1900, Paris, Karthala, 2000.
Q7. Quelle grande transformation sociale s'est produite en Martinique dans la deuxième moitié du XIXesiècle ?

Document8 : Le piquant et le caïdon
Réponse à une enquête menée en avril 1900 par l'inspecteur général Picanon envoyé par le Gouvernement Waldeck-Rousseau, après la grève de février 1900.
« [...] Je ne suis pas partisan des amandes (sic) ou piquants(1), aussi je préfère dire à mes représentants de bien surveiller le travail de chaque cultivateur afin que tout travail mal commencé soit immédiatement refait et en cas de refus, que le cultivateur soit renvoyé de l'atelier pour éviter tout conflit au jour de la paye.
Je sais cependant que sur certaines propriétés ces piquants existent.
Certains patrons font le commerce chez eux en délivrant des bons ou caïdon(2) aux ouvriers qui demandent à acheter de la marchandise et le samedi soir à la paye ces bons ou caïdon sont déduits du chiffre du travail de la semaine.
J'ai toujours entendu dire que les patrons majoraient de beaucoup le prix des articles qui revenaient aux acheteurs environ deux fois plus cher que le taux du commerce des bourgs […].
Le caïdon pour le cultivateur peut-être considéré comme un avantage, parce que cette monnaie lui est donnée sur sa semaine en cours et lui permet de subvenir à ses nécessités.
Cependant à bien considérer, le caïdon ainsi donné paralyse la liberté du consommateur vis-à-vis du vendeur et paralyse le commerce des bourgs avoisinant les pro­priétés, le caïdon n'ayant pas cours dans d'autres endroits où il est émis ».
(1) Amende ou piquant : le piquant était la retenue du salaire total à la suite d'une malfaçon, quelle que soit l'importance de la malfaçon. La barre en regard du nom du travailleur, barre représentant sa journée, était pointée par l'économe qui avait reconnu une malfaçon (explication fournie par un propriétaire, Adrien des Grottes).
(2) Caïdon : le terme, selon certains propriétaires, serait d'origine indienne (dravidienne ?) signifiant papier ou fiche. C'était l'équivalent d'un bon (pièce de zinc, morceau de cuivre, carré de carton) échangeable contre des denrées dans les boutiques dépendant de l'habitation.
Jacques Adélaïde-Merlande, Documents d'Histoire antillaise et guyanaise (1814-1914), 1979, p. 301.
Q8. Quelle réflexion les pratiques du piquant et du caïdon vous inspirent-elles ?

Document9 : La grève de février 1900 en Martinique
Doc 9a : Les communes touchées par le mouvement

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D'après Jacques Adélaïde-Merlande

Doc 9b : La première grève générale d'ouvriers agricoles de Martinique
En février 1900, la Martinique connaît sa première grève générale d'ouvriers agricoles (le terme doit être pris dans un sens large, car il désigne aussi nombre de petits propriétaires, employés saisonnièrement sur les habitations). Il y avait eu, dès les débuts des années 1880, des mouvements de grève sporadiques : en 1882 sur le territoire des communes de Sainte-Marie et de Trinité, en 1885, aux usines de Robert et de François.
Jacques Adélaïde-Merlande, Documents d'Histoire antillaise et guyanaise (1814-1914), 1979.
Q9. Quelles sont les régions touchées par le mouvement de grève ? Pourquoi ? En quoi cette grève présente t-elle un caractère nouveau ? (documents 9a et 9b)

Doc 9c : La grande grève de 1900
C'est également dans la région de Sainte-Marie que prennent naissance divers mouvements grévistes, au début de l'année 1900 […].
Au terme de la première journée, le mouvement gréviste reste limité. La réaction des autorités ne se fait pourtant pas attendre, […] le Gouverneur fait intervenir la gendarmerie. Mais il compte surtout sur les troupes d'infanterie de marine pour protéger les Usines. Au soir du 5 février douze ouvriers agricoles ont déjà été arrêtés […]. Les revendications des grévistes se précisent : elles concernent désormais et le salaire et la définition de la tâche. Cette double revendication apparaît dans une pétition que 5 « délégués » des grévistes de Sainte-Marie adressent au juge de paix de Trinité : « Tant que la crise a sévi, nous avons souffert ; aujourd'hui que les affaires sont belles, nous demandons à être mieux traités. Les directeurs d'Usine ont reçu des augmentations de solde et les actionnaires ont touché de gros bénéfices. Nous demandons nous aussi notre petit bénéfice : nous voulons le salaire de un franc cinquante au lieu de 1 franc, nous voulons aussi que la tâche soit fixée à 100 pieds de canne ».
La journée du 8 février semblait bien se dérouler […]. Seul fait nouveau : pour la première fois, des ouvriers d'Usine se joignent à la grève. Puis, dans la soirée, l'effroyable nouvelle. Au François, devant l'Usine, les soldats ont tiré […]. De la fusillade, le commissaire de police présent sur le terrain donne sa version « Les grévistes, environ quatre cents, sont entrés en partie sur la voie ferrée conduisant à l'Usine, à 70 mètres environ de cet établissement, tandis que le Maire et son adjoint et moi parlementions avec la foule, la troupe sans sommation aucune a fait feu et douze hommes sont tombés dont deux à nos côtés » […]. La version du Lieutenant Kahn, qui commandait la quinzaine d'hommes présents devant l'usine, n'est pas tout à fait la même. Il affirme avoir été attaqué par des « émeutiers qui arrivèrent sur les baïonnettes croisées… poussant des cris menaçants, brandissant leurs armes… aucune hésitation n'était plus permise. J'ai ordonné le feu et, menacé de plusieurs côtés, tiré moi-même sur un homme dont le coutelas allait s'abattre sur moi » […].
Le bilan est lourd : dix tués, une douzaine de blessés dénombrés. Et les observations du médecin, qui examine les victimes, mettent en doute la version donnée par le lieutenant Kahn : trois personnes sont mortes de balles reçues dans le dos. De plus, la plupart des victimes furent touchées alors qu'elles se trouvaient à une trentaine de mètres des soldats.
Historial antillais, tome IV, p. 380 à 383.
Q10. Classez les acteurs de ce conflit en fonction de leur rôle.
Q11. Relevez les revendications des grévistes.

Document 11 : Une vision de la Martinique vers 1939

Au bout du petit matin, au-delà de mon père, de ma mère, la case gerçant d'ampoules, comme un pêcher tourmenté de la cloque, et le toit aminci, rapiécé de mor­ceaux de bidon de pétrole, et ça fait des marais de rouillure dans la pâte grise sordide empuantie de la paille, et quand le vent siffle, ces disparates font bizarre le bruit, comme un crépitement de friture d'abord, puis comme un tison que l'on plonge dans l'eau avec la fumée des brindilles qui s'envole. Et le lit de planches d'où s'est levée ma race, tout entière ma race de ce lit de planches, avec ses pattes de caisses de Kérosine, comme s'il avait l'éléphantiasis le lit, et sa peau de cabri, et ses feuilles de banane séchées, et ses haillons, une nostalgie de matelas le lit de ma grand-mère. (Au-dessus du lit, dans un pot plein d'huile un lumignon dont la flamme danse comme un gros ravet... sur le pot en lettres d'or : MERCI).
Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, 1939.
Q12. A travers cette description de la case, quelle analyse le poète Aimé Césaire fait-il de la situation de la Martinique en 1939 ?

Travail de synthèse
Rappeler - Thème et problématique

Travail de groupe
Répartition des élèves en trois groupes correspondant chacun à une des ces trois thématiques :
- Transformations techniques
- Transformations économiques
- Transformations sociales
Dans chacun des thèmes des différents groupes doivent apparaître les mots-clés étudiés durant la séquence.

Auteurs : Maryse Verrecchia, Pascal Bailly, Yves François, Colette Joly

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