L'âge industriel aux Antilles (1850-1939)
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publié le 23 septembre 2011
(2011)
Objectifs de la séquence
   Cette proposition d'étude de cas répond à un triple objectif :
   
   - Introduire
   
    l'étude de cas en histoire.
    
   - Cette étude de cas s'intègre
    dans le premierthème du programme d'histoire de la classe de 1
   
    re
   
   : « L'âge
    industrielet sa civilisation du milieu du XIX
   
    e
   
   siècle à 1939 » (L, ES, S). L'objectif
    est de présenter
   
     le processus
    d'industrialisation
    
   à l'origine de
   
    la croissance
   
   pendant près d'un
    siècle en mettant en évidence
   
    les évolutions et les ruptures
    majeures
   
   (
   
     I.1
    
   : L, ES) (
   
     I.1.2
    :
    
   S) (voir « accompagnement des programmes : Thèmes d'étude. » site
   
    http://www.eduscol.education.fr
   
   ).
   
   - Nous avons choisi l'exemple des Antilles françaises qui permet de mettre ici en œuvre
   
    l'adaptation des programmes.
   
Problématiquede la séquence
La problématique proposée pour conduire cette étude de cas est : « L'industrialisation aux Antilles françaises de 1850 à 1939 : un processus inachevé ? ».
Les étapes
   1. Travail préparatoire et/ou travail en classe par groupes : il s'agit de répondre au
    questionnaire qui accompagne le corpus documentaire. Cela permet aux élèves de réactiver en
    début d'année les compétences nécessaires à l'épreuve proposée au bac : prélever, classer,
    confronter les informations prélevées dans les documents.
   
   2. La correction des questions doit permettre :
   
   -
   
    de mieux connaître l'histoire locale,
    
   -
   
    d'élaborer une synthèse
    répondant à la problématique.
    
   3. A l'issue de ce travail de 2 heures, les acquis
    doivent être contextualisés : « il s'agit de généraliser ce qui a été découvert à l'Europe
    industrialisée et aux USA en soulignant (…) les différences et les décalages spatiaux et
    chronologiques ».
  
Quelques pistes de correction
(Il est conseillé aux élèves d'utiliser le fascicule « lycée » « Antilles- Guyane »)
Partie 1. Le processus d'industrialisation
Q1. Décrivez les documents 1 et 2 en insistant sur ce qui les différencie : énergie, bâtiments, moyens de transport utilisés.
| Énergie utilisée | Bâtiments | Moyens de transport | |
| Doc. 1 Habitation-sucrerie | Alizés → énergie éolienne | Moulin, sucrerie, purgerie… Bâtiments de petite taille dispersés | Homme (esclave) Animal (cabrouet) | 
| Doc. 2 & 3 Usine centrale | Bagasse, charbon → vapeur | Bâtiments regroupés plus grands structure métallique | Chemin de fer Locomotive à vapeur | 
     En guise de synthèse
     
     - Utilisation d'une nouvelle
    énergie : la vapeur
     
     - La machine se substitue peu à peu à la force humaine et animale
     
     - L
    
   '
   
     usine remplace l'atelier
     
     - Révolution des moyens de transport
    
    Q2. Définir : habitation-sucrerie, usine centrale.
    
    Définitions
    issues du manuel scolaire
    
    Habitation-sucrerie
   
   : complexe agro-manufacturier intégré où sont effectués toutes les
    opérations depuis la culture de la canne jusqu'à l'exportation du sucre.
   
    Usine centrale
   
   : née en 1841, elle s'occupe uniquement de la fabrication du
    sucre. Elle centralise la production cannière de plusieurs habitations. Il y a donc, au début,
    séparation entre l'activité agricole et la transformation industrielle du produit (en 1845 en
    Martinique on comptait 2 usines ; vers 1900, on en comptait 19).
  
    Q3. A partir des documents 3 et 4 décrire l'organisation des transports de la canne en
    Martinique. Qu'en concluez-vous ?
    
   - Le transport de la canne se faisait surtout
    par voie ferrée mais aussi par voie d'eau (chaland).
   
   - Autour de chaque usine centrale est construit un réseau ferré délimitant sa zone
    d'influence.
   
    Remarques : ces réseaux ne sont pas interconnectés. Les écartements de voie sont
    différents, chacun ayant acheté son matériel sans se préoccuper « du
    voisin ».
    
     En guise de synthèse
     
     La révolution des transports se
    caractérise par :
     
     - Une amélioration des temps de transport
     
     - Une augmentation des quantités transportées
     
     Mais : le transport se limite au transport de marchandiseet seulement de la canne. Il n'y a pas
    de volonté d'unification du réseau donc pas de maîtrise du territoire dans sa
    globalité.
    
Partie 2. Un nouveau capitalisme pour une production de masse
    Q4. Après avoir défini les mots ou expressions suivantes : société anonyme, capital,
    prêt à long terme, dividende, justifiez l'expression « fièvre de placement dans les usines
    sucrières ».
    
   Comment financer l'entreprise ?
   
   - Autofinancement mais il est insuffisant.
   
   - Le
   
    capital
   
   se constitue en
   
    société anonyme
   
   : il est alors
    divisé en actions mises en vente. Chaque actionnaire participe aux bénéfices de l'entreprise
    sous forme de
   
    dividende.
    
    Société anonyme par actions
   
   : entreprise
    au capital divisé en parts (actions) librement négociables. La responsabilité des actionnaires
    est limitée à leur apport boursier.
   
    Dividende
   
   =Revenu versé par l'entreprise à ses actionnaires.
   
   - Le
   
    prêt à long terme
   
   pour financer les investissements auprès d'organisme
    tel que le Crédit Colonial.
   
   Pour caractériser l'expression « fièvre de placement dans les usines sucrières », réutiliser
    les mots définis précédemment par les élèves.
   
    Exemple : Le capital investi dans les usines centrales rapporte des dividendes importants
    et rapidement : cela encourage la spéculation.
    
    Q5. Trouvez les raisons qui
    ont poussé le gouvernement à créer le Crédit Foncier Colonial.
    
   Le gouvernement
    crée le Crédit Colonial en 1863 pour : « construction des usines centrales » et « amélioration
    de celles qui existent déjà »
   
   C'est un organisme de prêt exclusivement (toute autre opération est interdite) qui répond à un
    besoin de capitaux (structures coûteuses).
   
     En guise de synthèse
     
     - L'état est un acteur de
    l'industrialisation
     
    Q6. Que peut-on déduire des documents 6a et 6b sur l'évolution de
    la production sucrière antillaise ?
    
    Remarque : faute de chiffres de
    production de sucre, nous utiliserons les chiffres de l'exportation sachant que l'essentiel de
    la production était destiné à l'exportation : l'évolution de l'exportation reflète donc celle
    de la production.
    
   - 1850-1939 : période de
   
    croissance
   
   globale
    (augmentation quantitative de la production) due à l'industrialisation.
   
   - 1850-1880 : forte augmentation (multiplication par 1,5) : contexte de
   
    prospérité
   
   . Les exportations sont stimulées par les progrès des
    transports.
   
   - 1880-1910 : diminution de la production et de l'exportation : contexte de
   
    dépression
   
   .
   
   - 1884 :
   
    crise
   
   sucrière
   
    de surproduction
   
   , les cours
    s'effondrent. Les exportations diminuent.
  
Partie 3. Une société en mutation ?
    Q7. Quelle grande transformation sociale s'est produite en Martinique dans la deuxième
    moitié du XIX
    
     e
    
    siècle ?
    
   Apparition du
   
    salariat
   
   agricole (anciens esclaves, nouveaux immigrants indiens).
   
    Q8. Quelle réflexion les pratiques du piquant et du caïdon vous
    inspirent-elles ?
    
   Relation à la fois de
   
    paternalisme
   
   (caïdon :
    prise en charge de la vie professionnelle et privée) et de
   
    domination
   
   , de
    dépendance (caïdon et piquant).
   
    Q9. Quelles sont les régions touchées par le mouvement de grève ? Pourquoi ? En quoi
    cette grève présente-t-elle un caractère nouveau ? (documents 9a et 9b) ?
    
   Les
    régions touchées par la grève sont les régions de
   
    monoculture cannière
   
   où sont implantées les usines centrales.
   
   C'est la
   
    grève générale
   
   de tous les ouvriers agricoles de la Martinique.
   
    Q10. Classez les acteurs de ce conflit en fonction de leur rôle.
    
   Les
    différents
   
    acteurs
   
   de la grève sont :
   
   -
   
    L'État
   
   représenté par le gouverneur, la gendarmerie, les troupes
    d'infanterie de marine. Son rôle est le maintien de l'ordre et la protection des usines.
   
   -
   
    Les grévistes
   
   ou émeutiers sont les ouvriers agricoles rejoints parfois par
    les ouvriers d'usine. (5 délégués)
   
    Q11. Relevez les revendications des grévistes.
    
   Les revendications
    sont :
   
   - Amélioration des salaires (passage de 1 franc à 1,5 franc par jour).
   
   - Amélioration de la journée de travail (tâche = 100 pieds de canne).
   
   - Début d'une conscience de classe (groupe d'individus qui, par sa culture, ses revenus, sa
    place dans la société présente une certaine homogénéité).
   
   - Début d'une lutte des classes : « Les affaires sont belles, nous demandons à être mieux
    traités. Les directeurs d'usine ont reçu des augmentations de solde et les actionnaires de gros
    bénéfices. Nous demandons aussi notre petit bénéfice ».
   
   - Développement de la culture politique fondée sur la grève, la solidarité, l'organisation
    (délégué, pétition…).
   
    Q12. A travers cette description de la case, quelle analyse le poète
    
     Aimé Césaire
    
    fait-il de la situation de la
    Martinique en 1939 ?
    
   La description faite par Aimé Césaire de la Martinique en
    1939 évoque : pauvreté, maladie, habitation précaire… C'est une Martinique encore
    essentiellement rurale, sous-développée.
  
Travail de synthèse
   - Rappeler le thème et la problématique.
   
   - Travail de groupe : 3 groupes correspondant aux 3 paragraphes (1. Transformations techniques,
    2. Transformations économiques, 3. Transformations sociales) dans lesquels doivent apparaître
    les mots clés.
   
    Thème : Le processus d'industrialisation aux Antilles françaises de 1850 à 1939.
    
    Problématique : Peut-on parler d'industrialisation aux Antilles ? ou l'industrialisation : un
    processus inachevé aux Antilles ?
    
   Vers 1850, un premier
   
    processus
    d'industrialisation
   
   se développe. Il repose sur la double utilisation du charbon et de
    la bagasse qui alimentent les
   
    machines à vapeur
   
   faisant tourner usines
    centrales et locomotives.
   
    Le chemin de fer
   
   , les chalands sont au service de
    cette nouvelle activité industrielle. Avec l'essor du
   
    machinisme
   
    ,
    l'usine centrale
   
   s'impose et détermine grâce à son réseau ferroviaire, sa propre zone
    d'influence.
   
   Cet essor industriel réclame des
   
    capitaux
   
   de plus en plus importants.
    L'autofinancement étant insuffisant, l'État crée un
   
    organisme de prêt à long
    terme
   
   (Crédit Colonial) pour l'amélioration ou la création des usines centrales. Par
    ailleurs,
   
    le capital
   
   se constitue en
   
    sociétés anonymes
   
   divisées en
   
    actions
   
   mises à la vente. L'importance des investissements exige
    en retour des équipements rentables et vite amortis. Il faut donc augmenter la production et la
   
    productivité
   
   . Aussi cette période est-elle marquée par une
   
    croissance
   
   globale. Cependant, on note en 1884 une
   
    récession
   
   liée à une période de
   
    surproduction
   
   .
   
   Dans le contexte de l'abolition de l'esclavage et de l'apparition de l'usine centrale, la
    société se transforme. En particulier se développe le salariat agricole. Face à celui-ci les
    patrons adoptent une attitude de
   
    paternalisme
   
   et
   
    d'exploitation
   
   . Les ouvriers agricoles et usiniers construisent une culture
    politique qui repose sur la grève, la solidarité. Les grèves comme celle de 1900 se traduisent
    par des manifestations brutalement réprimées. Elles ont pour objet de revendiquer une
   
    augmentation des salaires
   
   (1 Fr à 1,5 Fr) et
   
    la diminution de la durée
    de travail
   
   (1 tâche = 100 pieds de canne).
   
   L'âge industriel se traduit donc par des mutations techniques, économiques, sociales sans pour
    cela générer un réel progrès et développement. Ceci permet de dire que le processus
    d'industrialisation aux Antilles est inachevé.
  
     Quelques pistes de réflexion sur les limites de la Révolution industrielle aux
    Antilles.
     
   Cette réflexion peut se faire en commun pour étoffer la réponse à
    la problématique.
   
     - Une mono-industrie : les usiniers, attirés par des profits faciles, n'ont pas su
    passer à d'autres fabrications quand le marché du sucre s'est mal porté.
     
     - Peu d'interactions avec les autres secteurs
     
     - Une question d'échelle
     
     - Les promoteurs de la révolution industrielle sont des producteurs de machines et de
    constructions mécaniques. Ils ont une élite intellectuelle scientifique et de nombreux
    capitaux : ce n'est pas le cas aux Antilles.
     
     - Les Antilles restent rurales : pas d'exode rural, pas d'urbanisation notoire.
     
     - L'industrialisation des colonies à sucre se déroule dans un système colonial classique
    (colonie = débouché pour les manufacturés des métropoles).
    
Note []
Pour citer ce document :
Bailly, P. , Verrecchia, M. , François, Y. , & Joly, C. (2011). L'âge industriel aux Antilles (1850-1939). Atlas Caraïbe.